Quand j’explique à des collègues que les citations à la fin des articles sont de mauvaise qualité, ils ne sont pas surpris ! Étonnant ! La plupart racontent qu’en recherchant des articles cités, ils ont déjà été déçus. La citation en fin d’un article permet au lecteur d’identifier les sources des énoncés, d’avoir accès à des données probantes, et de conforter des opinions. La science procède ainsi pour argumenter et construire des savoirs grâce à la confrontation à d’autres équipes. Un article se termine par une partie "Références" qui liste les articles cités.
Le choix des citations doit être pertinent, se limiter aux articles de qualité, et ne pas être biaisé par diverses manipulations. Des auteurs oublient volontairement des citations qui déplaisent ; des citations n’ont pas de rapport avec la recherche ; des résultats de l’article cité sont parfois déformés.
Depuis les années 1980s, des chercheurs ont évalué la qualité des citations. Si à l’origine, il s’agissait de rechercher les erreurs de dactylographie, de type "mauvaise année","auteurs oubliés", "titre mal reproduit", ces recherches n’ont plus d’intérêt car des logiciels effectuent ce travail de vérification. Il s’agit maintenant d’évaluer la qualité et le choix pertinent des citations.
Une pratique irresponsable : 15 à 30 % des citations ont des erreurs
Des recherches ont évalué, par la lecture, des milliers de citations. Les conclusions sont simples : environ 15 à 30 % des citations ne contiennent pas l’information attendue. La moitié contiennent des données déformées lors de la citation, et la moitié ne contiennent pas les données attendues. Cela m’est encore arrivé récemment en recherchant la source d’une information dans un article de la revue PLOS Biology. Une information est fausse et la référence citée ne contient pas la preuve attendue. Les auteurs, que j’ai informés, ne sont pas préoccupés par leur erreur qu’ils reconnaissent, et ne feront pas d’erratum !
Une distinction existe entre les biais et les distorsions de citations. Les biais les plus fréquents sont la citation des études "positives" (en faveur d’une efficacité) de préférence aux études "négatives". Les auteurs citent des études qui les arrangent, en oubliant celles qui les dérangent. Les distorsions consistent à citer des résultats inexistants, à mal interpréter des données publiées, à se tromper d’article pour commenter un résultat. Est-ce de la négligence, ou est-ce intentionnel de la part des auteurs ?
Pourquoi des citations sont mauvaises ?
Des hypothèses pourraient expliquer ces phénomènes. Citons des pratiques à l’origine de mauvaises citations : des chercheurs ajoutent beaucoup de références, pour être perçus comme intelligents - ils ignorent que l’abondance des références est un bon indicateur d’une absence d’esprit critique ; des citations ont pour objectif de manipuler des indicateurs de notoriété des revues, par exemple en citant sans raison la revue à laquelle le manuscrit est soumis ; des chercheurs ne veulent pas citer des équipes concurrentes, par principe ; ils préfèrent citer des amis, même si l’article cité n’est pas pertinent ; des auteurs citent des collègues en imaginant qu’ils seront relecteurs du manuscrit et sensibles à ce qu’ils soient cités ; des revues acceptent des articles à la condition de citer des articles de leur propre revue ; des cartels de rédacteurs demandent aux auteurs de citer des références d’une revue proche et vice-versa, avec l’objectif d’augmenter la notoriété des deux revues. Il y a probablement d’autres raisons que j’ignore.
Des dogmes diffusés sans bases scientifiques, mais combien ?
Les conséquences de ces pratiques sont délétères pour la science : des dogmes sont propagés pendant 10 ou 20 ans. Le dogme peut disparaître si un lecteur identifie les fausses données à la source d’un concept. Je ne vois pas d’amélioration rapide de cette situation, sauf si des pratiques responsables de recherche sont adoptées conjointement par les chercheurs, les auteurs, les relecteurs et les comités de rédaction. Vérifier et faire le ménage des mauvaises citations demande une motivation, des moyens, et de la rigueur. Les institutions sont aussi concernées. Une recherche responsable devrait répondre aux attentes des citoyens, et la qualité des citations est importante pour valider les avancées de la science.
Exergue : Souvent, les auteurs citent des études qui les arrangent, en oubliant celles qui les dérangent.
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