600 millions d'euros, c'est le montant du dépassement de l'enveloppe des soins de ville dans le cadre de l'objectif national de dépenses d'assurance-maladie (ONDAM) en 2017. Lors de la présentation du rapport annuel de la Cour des comptes sur la Sécurité sociale, ce jeudi, le premier président Didier Migaud a déploré cette fausse note dans une partition pourtant juste. En 2017, l'ONDAM a été respecté pour la huitième année consécutive et la Sécu « renoue avec l'équilibre financier », une « évolution bienvenue saluée par la Cour », souvent très critique.
Comme en 2015 et 2016, la médecine de ville doit endosser l'habit du mauvais élève. En parallèle, l'hôpital, dont la prévision d'augmentation du volume d'activité s'est avérée inférieure à la réalité, a vu son budget amputé au point de frôler le milliard d'euros de déficit (835 millions d'euros en 2017 contre 439 millions d'euros en 2016).
Maîtrise comptable, le retour
Dans ce contexte, la Cour des comptes a tapé du poing sur la table.
Et le message est clair. Pour respecter une fois de plus l'ONDAM – dont l'objectif sera « difficile à tenir » l'année prochaine, malgré son desserrement à 2,3 % puis 2,5 %, jugent les experts – la ville doit faire des efforts. « La Cour estime qu'il n'est pas souhaitable de continuer à tolérer des dépassements importants de l'enveloppe des soins de ville en se contentant de les gager sur les secteurs hospitaliers et médico-sociaux, a grondé Didier Migaud. Pour cette raison, elle préconise d'instaurer une réserve prudentielle pour les dépenses de soins de ville, comme c'est déjà le cas pour les établissements de santé et médico-sociaux. »
Ce dispositif, qui rappelle les heures sombres de la maîtrise dite comptable, consisterait à conditionner le versement de certaines revalorisations (tarifs, forfaits, ROSP) au fait de rester dans les clous de l'ONDAM tout au long de l'année. La Cour des comptes n'a pas défini à quelle hauteur elle juge ce verrou budgétaire pertinent. Les établissements privés à but non lucratif de la FEHAP y sont favorables.
La Cour des comptes envisage aussi des accords prix/volumes qui font le lien entre les tarifs fixés et le nombre d'actes ou de prescriptions.
Disque rayé
À la lecture de ces recommandations, la CSMF a ironisé sur « le disque rayé » de la Cour des comptes, une institution qui « se cantonn[e] au recyclage de vieilles idées de maîtrise comptable combattues par la CSMF depuis 1996, lors des ordonnances Juppé, de sinistre mémoire » .
La centrale syndicale présidée par le Dr Jean-Paul Ortiz estime que les principes de variation prix/volume et de mise en réserve d'une partie des augmentations tarifaires ne sont pas une nouveauté pour la médecine de ville, suffisamment malmenée par ailleurs. « La Cour des comptes a-t-elle oublié que les accords tarifaires conventionnels sont déjà soumis aux stabilisateurs économiques qui retardent leur application de six mois ? s'agace la CSMF. La Cour des comptes a-t-elle oublié que les tarifs de l’acte médical en France sont les plus bas d’Europe et que les revenus des médecins dans d’autres pays européens, comme l’Allemagne et la Grande-Bretagne si souvent donnés en exemple, sont 1,5 voire deux fois supérieurs à ceux des médecins libéraux français ? » Le syndicat dénonce « un rapport partial » qui passe à côté des « vrais problèmes » de notre système de santé, c’est-à-dire « le recentrage sur les soins de ville avec les moyens nécessaires, tant organisationnels que financiers ».
Contacté ce jeudi par « le Quotidien », le Dr Philippe Vermersch exhorte la Cour à « arrêter de taper sur les médecins libéraux ». Le président du SML a une explication pour justifier les dérapages du secteur sur les dépenses : « le budget de la médecine de ville est sous-évalué. On essaye de rester dans les clous mais entre l'inflation et l'explosion des pathologies chroniques, les dépenses ne peuvent qu'augmenter. Et je vous le dis : ça va s'aggraver. » Quant au dispositif de réserve prudentielle, avec une enveloppe surévaluée ou non, sa réponse est claire : c'est « non ».
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