Faire quelque chose, mais quoi ? À la suite de l’affaire Duhamel, la France découvre, interdite, l’ampleur d'une pathologie sociale si souvent étouffée. L'inceste, longtemps tabou, apparaît dans toute son énormité à la faveur de dénonciations en cascade, touchant parfois des personnalités en vue du monde des médias, de l’art ou de la culture. Un enfant sur dix en serait victime… Face aux révélations, jamais le sujet n’avait provoqué une émotion aussi forte. Et comme toujours devant un tel mouvement de fond, les politiques ne peuvent rester insensibles. Pas moins de deux propositions de loi entendent actuellement s’attaquer aux abus sexuels sur enfants, pendant que deux ministres ont été mobilisés pour y répondre par Emmanuel Macron. Le monde politique réagit avec d’autant plus de célérité sans doute que l’épicentre du séisme se situe très près du pouvoir.
Pour un tas de raisons – certaines plus avouables que d’autres — il y a donc urgence à faire évoluer les mentalités et le cadre législatif. Et déjà, trois changements majeurs se profilent : criminalisation des relations sexuelles avec mineur de moins de 15 ans ; aménagement de la prescription dans le sens d’un allongement des possibilités de recours des victimes ; sévérité accrue pour les violeurs d’enfants. Le corps médical semble pour l’heure à l'écart de ces grandes manœuvres législatives. Mais on ne peut jurer de rien. Après l’obligation de signalement pour les femmes battues, en vigueur depuis 2019, une pareille exception concernant les abus sexuels sur mineurs – que d’aucuns préconisent — pourrait refaire surface.
Nous n'en sommes pas encore là. Et dans ce domaine, il faut savoir agir avec circonspection, le mieux étant parfois l’ennemi du bien. Pourtant, il est clair que certaines corporations se trouvent interpellées plus que d’autres par le chantier actuel : gens de justice, policiers, mais aussi enseignants, éducateurs sportifs et bien entendu soignants sont en première ligne. Comme le mentionnent les intervenants que « Le Quotidien » a sollicités, la figure emblématique du « médecin de famille » pourra tirer bénéfice de sa position privilégiée pour repérer et protéger les petites victimes. Mais la proximité avec telle fratrie ou tels patients de longue date peut aussi provoquer des illusions d’optique. Reste que « le premier recours pour une victime, c’est le médecin », assure dans nos colonnes la psychiatre Muriel Salmona. Constat partagé par la pédiatre Nathalie Vabres qui, il y a peu, expliquait cependant à nos lecteurs : « le médecin, seul dans son cabinet, ne peut pas tout faire ». C’est donc à une mobilisation générale que la profession doit répondre elle aussi. Et dans ce cadre, modules de formation et coordination interpro doivent jouer les premiers rôles.
54 % des médecins femmes ont été victimes de violences sexistes et sexuelles, selon une enquête de l’Ordre
Installation : quand un cabinet éphémère séduit les jeunes praticiens
À l’AP-HM, dans l’attente du procès d’un psychiatre accusé de viols
Le texte sur la fin de vie examiné à l'Assemblée à partir de fin janvier