Entamé aux États-Unis au milieu des années 1990, le mouvement d’autorisation d’un usage médical du cannabis et des cannabinoïdes a pris des formes très variables dans la cinquantaine de pays qui l’ont légalisé, dont une trentaine en Europe.
« Il n’existe pas d’approche standard, tant du point de vue des régimes d’autorisation ou des indications thérapeutiques que des modalités d’accès aux cannabinoïdes et des cadres réglementaires qui régissent l’approvisionnement », observe Ivana Obradovic, directrice adjointe de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT).
En Europe, les États ont eu recours à des programmes d’accès à des médicaments non autorisés. « L’approche initiale la plus courante a consisté à utiliser une forme de régime d’accès spécial, généralement en créant un système d’approbation et de supervision médicales, en limitant l’usage médical à un ensemble restreint de pathologies et souvent en restreignant les préparations à base de cannabis que les patients peuvent utiliser », constate un rapport de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) de décembre 2018.
En Europe, un nombre d’indications thérapeutiques limité
Cette approche commune a pris plusieurs formes, notamment en termes d’indications thérapeutiques possibles. Ainsi, si les États-Unis prévoient une cinquantaine d’indications, les pays européens ont tendance à en privilégier un nombre plus limité.
Aux Pays-Bas, par exemple, les prescriptions, autorisées dès 2003, ne peuvent concerner que le traitement des symptômes de certaines pathologies (sclérose en plaques, VIH ou cancer), mais seulement si les traitements classiques n’ont pas eu l’effet attendu ou entraînent trop d’effets indésirables. En Allemagne, ce sont seulement les patients atteints de maladies engageant le pronostic vital ou affectant la qualité de vie de façon permanente et ayant épuisé les recours à d’autres traitements qui peuvent bénéficier d’une prescription.
Les modalités de prescription diffèrent d’ailleurs d’un pays à l’autre. Aux Pays-Bas comme en Italie, cette possibilité est offerte à tous les médecins et la délivrance peut se faire dans n’importe quelle pharmacie. En Tchéquie, où une loi a été adoptée en décembre 2013, seuls des médecins spécialement qualifiés (oncologues et psychiatres notamment) sont autorisés à effectuer ce type de prescription. Et seule une quarantaine d’officines est habilitée à délivrer des cannabinoïdes. En Croatie, une recommandation initiale d’un neurologue, d’un infectiologue ou d’un cancérologue est nécessaire avant qu’un généraliste puisse rédiger la prescription.
Les formes autorisées apparaissent également disparates. « Sur le marché du cannabis médical, on trouve des variétés à infuser, à ingérer, à appliquer sur la peau, mais aussi sous la forme de médicaments, ou sous forme végétale et donc combustible », indique Ivana Obradovic. Les formes disponibles dépendent notamment des modalités d’encadrement de la production mises en place par les États.
« En Europe, les réglementations ne sont pas homogènes, mais on retrouve des constantes d'un pays à l'autre. Par exemple, tous les pays nous demandent de respecter les bonnes pratiques de fabrication du médicament, les Good Manufacturing Practices (EU GMP, en français les bonnes pratiques de fabrication). Peu de compagnies sont en mesure d'obtenir cette certification », note Hélène Moore, directrice générale de la société canadienne de production Aurora pour la France.
Différentes modalités d’encadrement
Aux Pays-Bas, par exemple, où un Bureau du cannabis médical encadre les pratiques, la production sous licence, accordée à la société privée Bedrocan, a permis la mise à disposition de cinq produits avec des concentrations de THC et de CBD variables, sous la forme de fleurs séchées ou de granulés.
En Allemagne, la loi de 2017 autorisant l’accès aux cannabinoïdes, a créé un mécanisme de contrôle de la qualité. Une Agence du cannabis (Cannabisagentur), créée sous l’égide de l’Institut fédéral des médicaments et des appareils médicaux (BfArM), a lancé un appel d’offres qui a permis la sélection de dix entreprises pour la culture du cannabis, conformément aux directives du code de bonnes pratiques agricoles et de collecte (GACP) et garantissant le respect des normes pharmaceutiques (EU GMP).
En Italie, une approche similaire a été adoptée après un recours à la production de la société Bedrocan. Depuis 2014, une production locale a débuté dans une installation pharmaceutique d’État sécurisée, avec là aussi une culture certifiée conforme aux bonnes pratiques agricoles et aux bonnes pratiques de fabrication.
Un dernier élément témoigne de la diversité des approches européennes, à savoir le remboursement ou non par le système national de santé ou les compagnies d’assurance. Ainsi, si les prescriptions ne sont pas remboursées en Tchéquie et en Croatie, elles le sont en Allemagne pour les patients atteints de maladie chronique ou en phase terminale. « Le cas de l’Allemagne montre l’importance de ce point, souligne Ivana Obradovic. La croissance importante du cannabis à usage médical dans ce pays s’explique par des modalités de remboursement particulièrement favorables ».
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