C’est l’autre visage de la crise du secteur santé. Comme si la pénurie, la suradministration et les rythmes infernaux se manifestaient ces dernières années par une véritable épidémie de burn-out chez les blouses blanches. Elle est sournoise, car peu d’acteurs de santé la voient arriver, mais elle frappe de plus en plus de soignants. Les chiffres sont éloquents. Et les dernières études - Amadeus (AP-HM/Fondation FondaMental) et celle de la société européenne de médecine d'urgence - montrent que la cote d’alerte est désormais atteinte. Quelque 58 % des médecins en établissement seraient en burn-out et plus de 60 % des urgentistes. Le sujet est un peu moins documenté chez les libéraux, peut-être parce que le mal y est moins visible ou plus insidieux : un travail révélé par le CHU de Clermont-Ferrand en décembre laissait cependant supposer que 45 % des médecins généralistes seraient menacés. Plus grave encore chez les jeunes : fin 2021, une vaste enquête étudiante révélait que l’épuisement professionnel guettait les deux tiers des externes et des internes… Les soignants de l’Hexagone ne sont pas les seuls touchés par le phénomène. Sinon, comment expliquer qu’un médecin américain sur cinq songe à lâcher prématurément son métier, selon des chercheurs de la Mayo Clinic ?
La crise sanitaire n’a évidemment rien arrangé. La plupart des études post-confinements montrent en effet une dégradation de la santé psychique des professionnels de santé. Mais le fléau n’a pas non plus attendu le Covid. Voilà au moins dix ans que des recherches et parfois des « accidents » dramatiques témoignent de cette fragilité. Face au péril, çà et là, des initiatives confraternelles ont vu le jour pour venir en aide aux praticiens en difficulté. Bravo ! La mobilisation manque parfois de coordination, mais elle atteste d’une vraie prise de conscience de la profession. Car le tabou qui a longtemps interdit aux praticiens de s’avouer malades est en passe de se briser. Le reportage que « Le Quotidien » propose cette semaine auprès de médecins en soins y participe. Que ces derniers soient remerciés d’avoir accepté de témoigner. Cela nourrira une prise de conscience salvatrice.
Au-delà des cas individuels, c’est aux causes collectives qu’il faudrait aussi s’atteler. Car le burn-out est un révélateur des rapports de la médecine avec une société capable d’applaudir quotidiennement ses sauveurs, puis sans transition de les vouer aux gémonies, voire menacer ceux qui militent pour une vaccination de masse… La pandémie a aussi placé les blouses blanches dans la position inconfortable de fantassins, en première ligne, mais en porte-à-faux, sans réels moyens thérapeutiques à proposer. Il appartient désormais aux pouvoirs publics, non seulement de répondre aux aspirations légitimes des soignants, mais aussi de redéfinir leur place. Emmanuel Macron semble l’avoir compris, s’inquiétant pendant la campagne d’une « perte de sens » dans cette corporation. La concertation qu’il a aussi promis de mettre en place ne devra pas faire l’impasse sur cette questiond'identité
Exergue : 58% des médecins en établissement seraient en burn-out et 45% des généralistes seraient menacés
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