La vie d’un petit centre de vaccination provincial est tout sauf ennuyeuse. On y observe mille choses, surtout quand on a la chance de faire la consultation pré-vaccinale. Permettez-moi de partager certains de ces moments avec vous.
Commençons donc par les points importants à signaler afin que les fâcheux ne sautent pas sur leur portable pour appeler leur Conseil départemental afin de me faire punir ! Ce que je vais raconter là est une expérience monocentrique ouverte, observationnelle. Ma vue basse n’en fait pas encore une étude en simple aveugle. Je ne porte ni jugement, ni critique, je narre, tout simplement.
Une fois ce caveat posé, entrons dans le vif du sujet. J’ai donc rejoint un petit centre dans une commune proche du chef-lieu du département. J’y ai retrouvé une équipe de médecins retraités pour des vacations plusieurs fois par semaine. Environ 250 personnes y sont vaccinées quotidiennement avec un vaccin à base d’ARNm (NB : je n’ai pas, non plus de conflits d’intérêts).
Derrière, il y a une formidable organisation avec des infirmières capables de sortir sept doses d’un flacon de cinq et des secouristes qui assurent la surveillance des personnes vaccinées.
La chance c’est que le chef de centre a compris que la consultation pré-vaccinale n’était pas une formalité à expédier le plus vite possible. Alors, quand on le peut, on parle, on écoute, on rassure et on s’enquiert d’informations ou de traitements qui n’apparaissent pas obligatoirement dans le cahier des charges, comme les biothérapies ou d’éventuelles chimiothérapies dont les personnes ne font pas forcément mention. En résumé, on fait notre boulot de médecins et même un peu plus parfois, tant certaines personnes semblent rompre leur solitude avec nous.
Et puis on observe, un peu comme Usbek et Rica, les deux personnages des Lettres persanes de Montesquieu.
On se demande si, vraiment, la moitié des femmes françaises sont nées sans glande thyroïde, vu le nombre de prescriptions qui comportent de la lévothyroxine. On se dit aussi qu’on ne doit pas avoir remarqué que notre pays est si près du cercle arctique avec des nuits de presque six mois, tant les ampoules de cholécalciférol font partie du quotidien de tant de personnes qui ne doivent jamais voir le soleil.
Parfois on est surpris d’apprendre qu’une personne arrive encore à s’alimenter malgré les dix-huit produits présents sur l’ordonnance,
Il arrive, mais c’est vraiment très rare, que j’aie une pensée et une admiration pour celles et ceux qui, dans les pharmacies, n’ayant pas forcément fait une option « Égyptologie » dans leur cursus, arrivent, tels des Champollion modernes, à déchiffrer des hiéroglyphes dont la rumeur dit qu’ils correspondent à des médicaments.
Parlons maintenant de celles et ceux que nous voyons et auxquels nous donnons le feu vert pour avoir droit à l’injection si difficilement décrochée. Globalement, les personnes qui viennent se faire vacciner viennent au centre sans regret ni réticence. Cela ne les empêche pas de poser des questions : « C’est bien le Fischer, parce que l’autre j’en veux pas ? », m’a-t-on dit déjà 100 fois ! On échange, on parle des réactions post-vaccinales en fonction de la première ou de la seconde dose. J’ai constaté que le mot Doliprane n’est plus une marque mais un nom commun et que vu le nombre de prises rapportées, on doit parler en centaines de tonnes plutôt qu’en nombre de boîtes vendues !
Encore trop de personnes âgées
Quelques remarques sur les catégories d’âge : je suis très étonné et agacé qu’on voie encore autant de personnes de plus de 75 ans venir se faire vacciner. Et souvent des personnes qui ont du mal à marcher ou qui sont en fauteuil. En Israël, laboratoire en vie réelle de la vaccination, toutes les personnes âgées dépendantes ont été prioritaires, qu’elles soient institutionnalisées ou à domicile, où on est venu les vacciner. Leurs familles et les intervenantes à domicile ont été également prioritaires. Chez nous, visiblement ce n’est pas le cas. Autre constatation, souvent ces personnes âgées viennent accompagnées d’une aide de vie ou d’un ambulancier. Mais, en revanche, toutes les personnes âgées maghrébines que j’ai vues sont accompagnées par une fille ou un fils. Ce respect de l’aïeule est une très belle chose.
Enfin, le rajeunissement des tranches d’âge a amené une population différente, plus « cliente », plus pressée, parfois plus intéressée par ses messages sur le mobile que par nos questions. Et il y a un peu plus de « lapins », sans bien sûr prévenir pour annuler et les responsables du centre doivent appeler des personnes en attente pour leur proposer de venir et éviter ainsi la perte de doses.
Je le dis et le répète, ce ne sont là que des remarques d’un médecin un peu âgé, un peu provocateur et plus bête que méchant. Mais un médecin qui, certes sait que les vaccins ne régleront pas tout mais qu’ils empêcheront la survenue de décès et de cas graves avec de lourdes séquelles. Et cela suffit à me rendre heureux.
Exergue :
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