C'était une « vieille tradition » de l'Université de la CSMF, rompue avec Marisol Touraine. Agnès Buzyn, la ministre de la Santé, a renoué avec celle-ci en faisant le déplacement vendredi et en répondant aux questions des 200 cadres et médecins libéraux de la CSMF, réunis jusqu'à dimanche sur la presqu'île de Giens (Var).
Les attentes sont fortes, les doutes aussi. C'est demain, 18 septembre, que le gouvernement dévoilera sa stratégie de transformation du système de santé et son plan hôpital. « On attend par exemple des mesures sur la recertification », espérait le Dr Christian-Michel Arnaud, chef de file des anesthésistes-réanimateurs. Le président des Spés de la CSMF, le Dr Patrick Gasser, veut des réponses sur la place des médecins spécialistes libéraux dans la prise en charge de proximité des patients, à l'heure où la recherche de pertinence des soins est primordiale. Le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, ne se faisait pas d'illusions : « Les annonces seront faites par le président mardi ».
En préambule, le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la Conf, a brossé le portrait d'une médecine libérale « qui va mal », avec un temps de travail harassant, une dégradation de la vie professionnelle ou encore des actes de consultations dont les tarifs sont « indignes » de l'engagement des médecins.
« Lâchez-vous ! »
La ministre n’a pas pour autant été déstabilisée. À l'aise dans l'exercice – et reconnaissant au passage un système de santé trop cloisonné et des professionnels en souffrance – elle a joué le jeu et a tenté de répondre aux attentes de chacun. Doit-on continuer à payer plus ceux qui font plus, ou doit-on récompenser les professionnels qui prennent plus de temps en consultation, qui ont un penchant pour la santé publique et les soins coordonnés ? La ministre a posé la question avec une idée derrière la tête mais sans remettre en cause le paiement à l'acte pour autant. « J'attends vos solutions », a-t-elle exhorté, en rappelant qu'un financement collectif permettait de réduire les disparités de pratique et d'harmoniser la prise en charge des pathologies chroniques.
Face à la possibilité d'un financement collectif ou en équipe, plusieurs médecins généralistes, dont le Dr Yannick Frézet, membre du bureau de la CSMF, a souligné la lourdeur administrative des structures telles que les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) ou les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS). « Les MSP ne correspondent pas à tous les territoires, en zone très désertifiée c'est compliqué, a reconnu la ministre. Et dans les quartiers prioritaires, on constate que la médecine salariée est plus adaptée. Les CPTS sont en revanche une bonne réponse ; vous verrez bien ce qu'il en sort prochainement… ». Surtout, la locataire de Ségur a invité les médecins à « se lâcher » et à définir leurs modes d'organisation. « Je rappelle que nous favorisons la liberté, notamment dans le plan d'accès aux soins et dans l'article 51… », a-t-elle glissé.
Pas de maîtrise comptable
Sur la pertinence des soins, Agnès Buzyn a calmé les inquiétudes des spécialistes : il ne s'agit en aucun cas d'une façon de réguler les dépenses médicales, mais avant tout de mieux penser les parcours, de donner le bon soin au bon malade. « Cela peut être des économies, mais aussi des dépenses. Ne me faites pas un procès d'intention. »
En revanche, sur l'ONDAM (taux directeur des dépenses maladie), la ministre est restée fidèle à sa ligne de conduite (et aux consignes de l'Élysée)... Silence radio, malgré les questions persistantes du président de la CSMF. Agnès Buzyn a cependant rappelé qu'il était difficile pour elle « de travailler avec un mandat contraint ». « Nous ne devons pas laisser de déficits dans le budget de la Sécu, je me sens responsable pour les générations futures », a indiqué la ministre. « Je vous fais confiance, faites moi aussi confiance, on est au début d'une très belle aventure », a conclu Agnès Buzyn, bien applaudie par les congressistes.
À la sortie, certains ne cachaient pas leur inquiétude sur le contenu précis des réformes. Présidente du syndicat des pédiatres libéraux, le Dr Brigitte Virey (SNPF) attendait des précisions sur la prévention chez les plus jeunes. Le Dr Gasser aurait aimé des échanges sur la coordination spécialistes/généralistes. La plupart des cadres ont salué la venue de la ministre et la qualité du dialogue renoué, après un précédent quinquennat jugé par beaucoup « douloureux ».
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