LA TENTATIVE de reconquête des suffrages des médecins libéraux continue. Alors que ceux-ci se plaignent depuis longtemps des pouvoirs « discrétionnaires » des directeurs de caisse primaire, notamment dans le cadre des contrôles des prescriptions, Roselyne Bachelot vient de demander à l’assurance-maladie d’organiser une concertation sur ce thème avec les organisations syndicales. La ministre de la Santé souhaite que cette concertation « aboutisse à la signature d’une charte des contrôles médicaux fondée sur le respect des médecins et de leurs droits ». Ce n’est pas tout. Roselyne Bachelot, prenant sans doute en compte l’opposition des médecins libéraux à sa politique, qui s’est largement exprimée lors du vote aux élections professionnelles, vient de transmettre à la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) un projet de décret « qui assouplit la procédure de mise sous accord préalable des prescriptions des médecins » (lors le volume de ces prescriptions est significativement supérieur à la moyenne). Cette procédure de contrôle des « gros » prescripteurs était très contestée par l’ensemble des syndicats libéraux.
Dans l’entourage de la ministre de la Santé, on reconnaît que la mise sous entente préalable des prescriptions est une procédure « lourde et mal vécue par les médecins ». Le projet de décret transmis pour avis à la CNAM propose, avant toute décision de mise sous entente préalable, une concertation entre le directeur de la caisse primaire et le médecin autour d’objectifs de prescription sur une période de six mois. Après ces six mois, il serait procédé à une analyse de l’évolution des prescriptions. Le directeur de la caisse pourrait alors choisir d’en rester là ou de le mettre sous accord préalable. Le ministère qualifie cette période de 6 mois de « mise sous observation ».
La fin du « délit statistique » ?
Côté syndicats libéraux, on se félicite de la volonté du ministère de calmer le jeu sur un sujet très sensible, mais on reste prudent. La CSMF « prend acte de la volonté du gouvernement d’assouplir la procédure de mise sous entente préalable » et rappelle que ce « délit statistique (est) inadmissible pour les médecins libéraux dont les pratiques peuvent, en fonction de leur patientèle respective, connaître des spécificités ». Mais le Dr Michel Chassang, président de la Confédération, relève que « comme d’habitude, les médecins n’ont pas été associés à la rédaction de ce projet de décret ». Au-delà, la CSMF réclame une remise à plat de l’arsenal de sanctions particulièrement étoffé dont disposent les directeurs de caisse (commission des pénalités, voie conventionnelle avec risque pour le médecin de perdre la prise en charge de ses cotisations sociales, section sociale du conseil de l’Ordre que les CPAM peuvent saisir, tribunal des affaires de sécurité sociale -TASS - qui peut aussi prononcer des pénalités, et enfin recours au pénal). Selon le Dr Chassang, les directeurs de CPAM peuvent « à leur guise » utiliser ces diverses voies de recours en même temps ou successivement pour un même fait reproché à un médecin. « Nous demandons que les directeurs de CPAM ne disposent plus de tout cet arsenal, ajoute-t-il, et à tout le moins qu’ils ne puissent utiliser qu’une seule voie de recours pour un seul fait. Il faut que le médecin redevienne un justiciable comme les autres ».
Du côté d’Union Généraliste (UG, branche généraliste de la FMF), on rappelle que ce pouvoir « exorbitant » donné aux directeurs de CPAM est issu de la loi Douste-Blazy du 13 août 2004. Le directeur de cabinet de Philippe Douste-Blazy était à l’époque...Frédéric van Roekeghem, nommé peu de temps après à la tête de la CNAM, ajoute le Dr Jean-Paul Hamon, coprésident d’UG. Il dénonce « le déplorable alignement de la convention de 2005 sur ce texte de loi ». Jean-Paul Hamon estime que la volonté de Roselyne Bachelot d’élaborer une charte des contrôles médicaux « est une première prise en compte de l’ancienne et constante action de la FMF contre ces législations d’exception ».
À MG-France, le Dr Vincent Rébeillé-Borgella, secrétaire général du syndicat, se déclare « satisfait de la volonté ministérielle affichée ». La question du contrôle des prescriptions, souligne-t-il, est soumise à une « double logique » : celle de l’assurance-maladie qui a une « vision globale » et « celle de l’intérêt du patient portée par le médecin ». Pour MG-France, plutôt que de laisser l’assurance-maladie utiliser la force de la loi, ces problèmes de contrôles devraient être traités « de façon paritaire ».
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