Inscrit dans la stratégie nationale de santé, le fameux « virage ambulatoire » est promis par Marisol Touraine depuis 2012. Les Français y sont prêts : selon un récent sondage Odoxa*, 82 % d'entre eux sont favorables à l'idée de « favoriser les soins ambulatoires » pour réduire les dépenses d'hospitalisation.
Las, si la loi de santé prévoit des avancées sur le papier (mise en place d'équipes de soins primaires, de communautés professionnelles territoriales de santé, de plateformes d'appui…), les acteurs concernés déplorent encore et toujours le manque de coordination entre les soins de ville et les établissements.
La culture hospitalière de l'organisation
Comment changer de braquet ? Antoine Malone, directeur de projet à la Fédération hospitalière de France (FHF), ex-attaché aux affaires politiques et à la coopération en santé à la Délégation générale du Québec à Paris, met en garde contre les erreurs à éviter – comme celles commises au Québec entre 1995 et 1999. « Notre virage ambulatoire a été très brutal, un quart des lits d'hôpital ont fermé, le budget de la santé a été contraint de baisser d'1 % par an ce qui a entraîné le départ de 1 500 médecins et de 4 000 infirmières ! », explique-t-il. Selon lui, la solution en France se trouve clairement dans la contractualisation entre médecins libéraux et hôpitaux, afin « d'incarner des objectifs communs ».
L'économiste Gérard de Pouvourville, titulaire de la Chaire ESSEC Santé, invite à réfléchir à l'organisation des soins selon le niveau de risque des patients – les pathologies engageant le pronostic vital et les soins hyperspécialisés revenant à l'hôpital. « Ce qui pollue le débat en France, c'est que l'hôpital public a une culture forte de l'organisation et du management que les libéraux ont moins, sauf pour les spécialités de plateaux techniques lourds. Donc, quand on veut organiser le système de soins, on pense naturellement à l'hôpital, sans impliquer le privé… », déplore l'économiste. Il recommande justement de favoriser les initiatives locales et appelle de ses vœux un maillage de structures de soins primaires pour limiter le recours à l'hôpital.
Donner aux libéraux les moyens de s'organiser
Encore faudrait-il que tous les libéraux de santé aient vraiment les moyens de se structurer (avec des secrétariats, des aides à la création de projets…) afin d'être moteur en termes d'organisation des soins et de solutions de prise en charge. « Hélas, en France nous n'avons pas de véritable culture du contrat puisque l'État réfléchit seul dans son coin, sans discuter de façon respectueuse avec les libéraux », souligne le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, dénonçant un système « qui marche sur la tête ». « Laissons les acteurs de santé s'organiser à l'échelle des territoires, ils sont capables de le faire et surtout ils ne veulent pas d'un modèle unique, martèle le Dr Ortiz. Quand on voit que le cahier des charges pour créer une plateforme territoriale d'appui est de 48 pages, comment voulez-vous que les médecins s'engagent ? »
Antoine Malone (FHF) défend lui aussi l'autonomie accrue des acteurs de terrain. « Mais il faudrait qu'il y ait une meilleure "connectivité" entre la ville et l'hôpital et davantage de systèmes d'information », observe-t-il alors que le DMP en est toujours à la phase des expérimentations…
* Sondage réalisé en ligne les 1er et 2 décembre auprès de 945 personnes représentatives de la population française de 18 ans et plus (méthode des quotas).
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