Les 25 mesures phares d’une politique de prévention présentées avec une certaine solennité et un souci de la communication par M. Edouard Philippe et par Mme Agnès Buzyn le 26 mars 2018 ont été complétées par la mise en ligne plus récente du plan national de santé publique sous le titre « Priorité prévention ». La lecture en est intéressante voire alléchante.
Le plaidoyer qui est ainsi porté en faveur de la prévention (et plus largement de la promotion de la santé) dans un souci de rééquilibrage de notre système de santé trop orienté aujourd’hui vers le curatif, la volonté d’articuler les multiples « plan santé » existants pour plus de cohérence et l’attention qui est accordée à une approche englobant les différents déterminants de la santé (environnement, mode de vie...) pour plus d’efficacité et d’efficience constituent des orientations auxquelles adhèrent nombre de professionnels de santé publique. Sur ces points, que de chemin parcouru !
Les multiples mesures techniques égrenées dans le document, regroupées par âge de la vie, paraissent, pour la plupart, pertinentes et opportunes. Les 25 mesures phares sont par ailleurs construites avec attention, précisant contexte, objectifs poursuivis et actions envisagées.
Des avancées… mais quels moyens ?
Mais d’où vient ce sentiment de « rester sur sa faim » ? Peut-être est-ce justement cet inventaire à la Prévert ? Un inventaire qui, s’il participe à la dynamique et à la force de conviction en faveur de la prévention, donne le tournis au regard des moyens et ressources que l’on perçoit sur le « terrain » auprès des populations. Un inventaire large qui « parle » à tous les acteurs mais qui ne priorise pas. Un inventaire qui, nécessairement, traduit des choix et s’analyse aussi à partir des mesures qui brillent par leur absence (ex. : message d’avertissement concernant l’alcool).
Un inventaire qui demande donc une partition pour orchestrer les mesures, un mode d’emploi pour assembler les actions à un niveau populationnel. Entre orientation stratégique revendiquée (la priorité à la prévention) et mesures techniques listées (ex. : généraliser les pratiques de supplémentation en folates pour les femmes enceintes et en désir de maternité), les leviers tactiques d’une mise en œuvre opérationnelle cohérente semblent à peine esquissés.
Certes, 400 millions d’euros sont annoncés, mais (et au-delà de la discussion sur le montant financier insuffisant au regard des ambitions poursuivies) comment mettre en place ou renforcer des incitatifs financiers favorables au développement des actions de prévention.
Les questions de territorialisation de la politique de santé sont essentielles dans le champ de la prévention. Comment construire la gouvernance et l’intersectorialité aux différents niveaux territoriaux (notamment régions et territoires de santé) ? Comment impliquer au mieux les collectivités territoriales, acteurs incontournables vis-à-vis de déterminants essentiels de la santé (notamment déterminants environnementaux ou sociaux) ? Comment assurer la coordination de proximité des acteurs de la prévention et à partir de quel dispositif (peut être les contrats locaux de santé) ?
Et les professionnels ?
Prioriser la prévention implique également une « reconnaissance » renforcée des professionnels concernés au travers de différents leviers et notamment d’une politique de rémunération et d’une politique de formation volontariste. Prioriser la prévention ne peut se concevoir sans, en parallèle, une politique de recherche.
Enfin, plutôt que la prévention, il conviendrait de mettre en avant la promotion de la santé, au sens de la charte d’Ottawa (« processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé, et d'améliorer celle-ci »), comme cadre de référence et d’organisation de notre système et de nos politiques de santé. Il s’agit d’insérer la prévention dans une dynamique de promotion de la santé, d’insister sur la dimension positive de la santé, et de permettre à l’usager du système de santé, ou à un groupe d’usagers, d’être acteur de sa propre promotion de la santé avec l’accompagnement et le soutien de sa communauté et des professionnels de santé susceptibles de l’y aider.
Il convient de saluer les ambitions de ce plan prévention et les avancées réelles qu’il contient. Il apporte un ensemble de pièces utiles et contributives à une politique de santé publique. Reste toutefois à préciser les moyens et les modalités d’assemblage permettant de favoriser la capacité d’agir de la personne et de son entourage, la qualité de la relation partenariale entre la personne et le professionnel de santé, la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé.
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