La loi bioéthique votée demain à l’Assemblée

Statu quo sauf pour le transfert d’embryon post-mortem

Publié le 14/02/2011
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MALGRÉ les demandes des chercheurs, la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires reste interdite sauf dérogations expresses. Selon le ministre de la Santé « la position française permet de continuer d’avancer ». « Je mets au défi quiconque de nous prouver que nous avons pris du retard », dit Xavier Bertrand. Pour Jean-Louis Touraine (PS), au contraire, « le retard pris » se révélera « insurmontable » et le message envoyé aux chercheurs est « extrêmement négatif ». « On va rester dans une ambiguïté qui ne sera favorable ni à la recherche ni aux malades », a estimé Alain Claeys (PS), rapporteur de la commission spéciale, qui estime même qu’on régresse par rapport à la précédente loi de 2004. La déception est d’autant plus grande qu’il n’est plus prévu de révision de la loi tous les cinq ans.

Autre modification refusée par les députés, comme l’avait fait la commission spéciale, celle de l’anonymat du don de gamètes. Le projet initial de l’ex-ministre de la Santé Roselyne Bachelot prévoyait une levée partielle de l’anonymat et le député Marc Le Fur (UMP) a déposé un amendement dans ce sens en plaidant : « Voulons-nous nier cette liberté fondamentale de savoir d’où l’on vient ? Chacun a droit à son histoire ! » En vain. Le rapporteur de la commission spéciale, Jean Leonetti (UMP), qui a reconnu avoir lui-même changé d’avis sur le sujet, a fait valoir les risques du choix d’un donneur « sur catalogue ». « Est-ce que vous voulez qu’un jour on dise "Je ne veux pas le sperme d’un juif ?" », a-t-il lancé. Selon lui, « 50 000 personnes sont issues d’un don de gamètes dans notre pays et les demandes associatives de levée de l’anonymat concernent 50 personnes ».

Pour remédier à la pénurie de gamètes, les députés ont accepté d’ouvrir le don aux femmes et aux hommes sans enfant. Il s’agit d’éviter la marchandisation des ovocytes et le tourisme procréatif. En outre, une femme qui donne ses ovocytes pourra les utiliser plus tard. « On enfonce un petit coin dans la gratuite du don », a regretté Philippe Gosselin (UMP). Comme prévu, la technique de vitrification est autorisée : la technique figurera dans un arrêté, promis par le ministre d’ici 6 à 7 mois, définissant la liste des procédés biologiques utilisés pour une assistance médicale à la procréation (AMP). Par ailleurs, la limitation à 3 du nombre d’ovocytes fécondés, proposée en commission, a été supprimée au profit de la mention : « Le nombre est limité à ce qui est strictement nécessaire à la réussite de l’assistance médicale à la procréation, compte tenu du procédé mis en œuvre. »

Un cadre strict.

La seule vraie surprise de cette longue soirée a été l’adoption du transfert d’embryon post-mortem, contre l’avis du gouvernement, – « Ce n’est pas la même chose d’être né orphelin et d’avoir été conçu orphelin », a estimé Xavier Bertrand. L’autorisation est conditionnée au consentement préalable du père et à l’existence d’un projet parental dans le cadre d’une AMP et valable seulement six mois minimum et dix mois maximum après le décès du père.

Des amendements ont voulu s’en prendre au bébé du double espoir, permis par la loi de 2004. « Réveillez-vous ! C’est le double espoir ! C’est ça l’humanisme ! », s’est emporté Bernard Debré, en rappelant que 20 000 enfants étaient nés dans cet esprit dans le monde.

Enfin, les députés ont adopté un amendement de Jean Leonetti, contre l’avis de Xavier Bertrand, renforçant le rôle du médecin dans le diagnostic prénatal. Ce ne sera pas à la femme de choisir, le diagnostic étant proposé, selon le texte, « lorsque les conditions médicales le nécessitent ». Sur ce sujet, le ministre de la Santé a tenté de rassurer ceux qui craignent une dérive eugéniste. « Il n’est pas question d’accepter une sélection génétique », a-t-il assuré. En donnant un exemple : « Sur 6 876 interruptions médicales de grossesse, il y a 505 dépistages de trisomie. Cela prouve que ce n’est pas la trisomie qui mène à une IMG. »

RENÉE CARTON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8906