LA COMMISSION spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à la bioéthique a adopté 118 amendements au texte que l’ancienne ministre de la Santé Roselyne Bachelot avait présenté en octobre. Après 13 heures de débat, les 70 députés, désignés à la proportionnelle de chaque groupe politique, ont notamment exclu la mesure phare de la levée de l’anonymat des dons de gamètes.
Les membres de l’Académie de médecine, dont le Pr Georges David, fondateur des CECOS (centre d’études et de conservation des œufs et du sperme humains), étaient totalement opposés à cette infraction au principe du don. Dans cette optique, Jean Leonetti, rapporteur de la commission, a souligné que l’anonymat et la gratuité devaient « rester à la base du don », au-delà de l’intérêt de l’enfant évoqué par Roselyne Bachelot. Par ailleurs, pour faire face à la pénurie, les députés ont admis que le don d’ovocytes ne serait plus attaché à la condition d’avoir eu, au moins, un enfant, comme c’est le cas actuellement. Les donneuses (âgées de moins de 36 ans) auront la possibilité de conserver « une partie de leurs gamètes qui pourraient être utilisées si elles devenaient stériles ».
Les députés ont également voté pour la congélation ultrarapide des ovocytes (vitrification) dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation (AMP), ce que préconisait Roselyne Bachelot. Jusqu’à présent, seule la congélation lente, moins performante, était autorisée. Un amendement précise que les ovocytes fécondés sont limités à trois, afin « d’éviter un trop grand nombre d’embryons surnuméraires ».
Autre nouveauté, les députés ont autorisé le transfert d’un embryon après le décès du père si celui-ci a donné son consentement préalable et si « un véritable projet parental d’AMP » avait été entamé. Sur l’insémination, en revanche, la commission a choisi le statu quo : le décès d’un membre du couple empêchera toujours toute insémination. La possibilité de transfert post-mortem des embryons sera encadrée par des « délais stricts », sur autorisation de l’Agence de la biomédecine. Cette mesure sera impossible si une procédure de divorce a été entamée et/ou si la veuve se remarie entre-temps. La naissance d’un enfant (ou de plusieurs) grâce à un transfert mettra également fin à cette possibilité. Cette innovation doit permettre de mettre fin à « des situations dramatiques où la femme doit aujourd’hui choisir entre la destruction ou l’accueil par un autre couple de ses embryons surnuméraires, ce qui fait de ces derniers des orphelins de père et de mère biologiques alors que cette dernière est vivante et les réclame ».
Clause de conscience.
En revanche, validant le principe d’interdiction de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, la commission n’a fait qu’accepter « d’aménager, de façon désormais permanente, les possibilités dérogatoires de mener ces recherches ». Elle a également adopté l’hypothèse d’une clause de conscience selon laquelle « aucun chercheur (...), aucun médecin ou auxiliaire médical n’est tenu de participer à quelque titre que ce soit aux recherches sur des embryons humains ou des cellules souches embryonnaires autorisées ».
Le projet de loi, tel que l’a présenté Roselyne Bachelot, indiquait que les critères de dérogation étaient « affinés de manière à mieux traduire la réalité des travaux de recherche ». Il était proposé d’autoriser les recherches « susceptibles de permettre des progrès médicaux majeurs » et non plus des « progrès thérapeutiques majeurs ». Cette confirmation du principe d’interdiction ne devrait pas manquer de décevoir les chercheurs, comme d’ailleurs les entreprises du médicament (le LEEM), qui souhaitent en finir avec ce régime du ni oui-ni non. Les membres de l’Académie de médecine, du Conseil d’État et de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, avaient également souhaité que toutes les voies de recherche puissent être explorées.
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