PEU LE SAVENT mais le 28 mai la Journée internationale d’action pour la santé des femmes est célébrée à travers le monde. Née au Costa Rica en 1987 à l’occasion de la 5 e RIFS (Rencontre internationale sur la santé des femmes), elle a inspiré cette année la WLI (Women’s Leadership Initiative). Ce groupe de réflexion crée au sein des laboratoires Johnson & Johnson en 1995 a organisé à Paris un Forum d’expert… es.
Cent millions de « missing women ».
C’est l’histoire de deux fillettes qui sont nées le même jour mais pas sous la même étoile. L’une en France, l’autre en Sierra Leone. L’espérance de vie de la première s’élève à 84,4 ans quand celle de la seconde s’arrête à 36 ans. À 6 ans, la petite Française va à l’école, ce que son homologue africaine aurait bien aimé pouvoir faire. A 17, l’adolescente française va bientôt quitter le lycée… et à 30 ans, elle accouchera de son premier enfant quand la jeune femme de Sierra Leone sera diagnostiquée séropositive au sida.
C’est Catherine Le Gales, directeur de recherche à l’INSERM et ex-directrice adjointe à la DG de l’OMS à Genève, qui a rapporté ce triste conte, inspiré de données de l’organisation. Ce n’est pas un scoop, les femmes ont toujours moins accès aux droits politiques, sociaux et donc aux systèmes de santé que les hommes. D’ailleurs, on compterait cent millions de « missing women », ces « femmes qui manquent », dont on estime qu’elles ne sont pas nées ou qu’elles sont décédées à cause de comportements discriminatoires. Mille six cents mourraient chaque jour au cours de leur grossesse, 400 pour 100 000 naissances - 7 pour 100 000 en France - dont 50 % seraient évitables. C’est d’ailleurs l’un des constats de Catherine Le Gales. « Il reste des gains en mortalité évitable. Mais la solution ne sera pas unique. » En France, les taux de décès des femmes par cancer sont inférieurs aux taux européens.
À l’inverse, le développement du tabac a fait doubler le taux de décès par cancer du poumon chez les femmes en dix ans (quand il a diminué de 14 % chez les hommes). Le vieillissement de la population apporte « des zones d’ombres pour aujourd’hui et pour demain, avec son lot de douleurs importantes ou très importantes (pour plus de 35 % des femmes de plus de 65 ans), le développement de polypathologies, de démences… »
Contact plus précoce avec les systèmes.
Nous avons la chance de vivre dans un pays qui a une espérance de vie parmi les plus élevées au monde. « Et paradoxalement, l’état de santé des femmes est perçu comme moins bon que celui des hommes », note Catherine Le Gales. Les différenciations de genre restent toutefois moins importantes que les différences sociales. Et le recours aux soins est plus fréquent chez les femmes, la dépense de soins est de façon générale plus élevée, quel que soit d’ailleurs le professionnel de santé auquel elles s’adressent.
« Ces distinctions s’expliquent en raison des soins liés à la procréation et à la période d’activité génitale, qui offrent aux femmes un contact plus précoce au système de santé », indique Catherine Sermet, directrice adjointe de l’IRDES (Institut de recherche et documentation en économie de la santé). En 2004, la dépense de santé s’est élevée à 1 461 euros par personne pour les hommes et à 1 820 euros pour les femmes. Plus d’une femme sur deux consomme des médicaments, 36 % des hommes. Concernant les dépistages, « il reste des efforts à faire, en particulier au niveau du frottis cervico-vaginal, dont les taux dégringolent chez les femmes à partir de 40 ans. »
« Soigner n’est pas l’affaire exclusive des professionnels de santé. Au-delà de leur propre santé, les femmes sont le pilier de la santé de la famille. » Jolie conclusion, offerte par Martine Bungener, qui dirige le CERMES (Centre de recherche médicale et sanitaire). Sauf que… « cette réalité est ancienne, mais a longtemps été ignorée, voire niée. Le travail de soins accompli par les femmes est souvent invisible. Certaines d’entre eux puisent dans leur propre capital santé. »
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