Le renouveau des technologies d’intelligence artificielle, au début des années 2010, a donné un coup de fouet à la bio-informatique et, plus globalement, à l’émergence de toutes les disciplines qui naissent à l’interface des sciences de la vie et des technologies de l’information. Ajoutez-y des capacités inédites à recueillir des péta octets de data, via des capteurs toujours plus sophistiqués, et à les exploiter dans des centres de calcul intensif : vous avez le cocktail qui permet d’envisager l’innovation médicale sous de nouveaux jours.
Certains travaillent à cette transformation depuis quelques décennies, à l’instar du Pr Philippe Cinquin, qui dirige à Grenoble l’un des premiers laboratoires à avoir misé sur la transdisciplinarité (lire page n).
Le rapprochement des domaines d’expertise, l’approche intégrative, constituent en effet les maîtres mots de la « révolution numérique » en cours dans la recherche médicale. L’Institut Pasteur, à Paris, vient de l’illustrer en ouvrant mi-septembre ses deux bâtiments « Omics » [1] qui inaugurent, selon les termes de son directeur général, « une nouvelle ère numérique ». Ils rassemblent des équipes complémentaires autour de travaux innovants qui doivent porter sur l’exploitation du séquençage à très haut débit, le développement d’algorithmes d’analyse de génomes et de méta-génomes, la modélisation de systèmes biologiques complexes, la médecine de précision dans les maladies infectieuses…
Plongée au sein des données
La plateforme logicielle DIVA, qui va bénéficier de ces nouveaux moyens, en apporte un exemple. En combinant réalité virtuelle, cognition humaine et algorithmes dans l’analyse d’images complexes, elle apporte un environnement où l’utilisateur peut visualiser les organes et les tumeurs en 3D ; il peut interagir avec les données en y étant « plongé ». Cette interaction avec les images médicales facilite par exemple l’identification rapide d’une tumeur du poumon. DIVA est également testée par des chirurgiens de l’Institut Curie afin d’optimiser le traitement chirurgical du cancer du sein.
Au printemps dernier, c’était l’INSERM qui annonçait un accord avec une start-up (Owkin), spécialisée dans le machine learning. Elle a développé une plateforme qui devrait démocratiser l’accès des chercheurs aux outils d’apprentissage profond pour analyser des bibliothèques d’imagerie médicale, des données moléculaires de type génomique, ainsi que des ensembles de données cliniques, dans le but de découvrir des modèles de biomarqueurs complexes associés à des maladies ou à des réponses aux traitements.
Conçus (dans le cadre des Investissements d’avenir) pour « inventer la médecine de demain, les futurs traitements et les nouvelles pratiques », les IHU (Instituts hospitalo-universitaires) ont également vocation à développer une approche intégrée, associant étroitement les soins et la recherche mais visant aussi la valorisation industrielle, via le transfert de technologies, et la diffusion des innovations.
Alliance des neurosciences, de la médecine et des mathématiques
Exploitation de big data et modélisation numérique sont de plus en plus fréquemment mobilisées par leurs équipes. L’un des projets portés par l’IHU-ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière), Dynamo (DYNAmic Models), en témoigne. Il vise à créer un modèle numérique de l’évolution du cerveau au cours de la maladie d’Alzheimer, avec l’ambition de produire un outil informatique, accessible aux médecins, de médecine prédictive de précision. « Le caractère novateur du projet réside dans l’alliance des neurosciences et de la médecine avec les extraordinaires possibilités offertes par les mathématiques et l’informatique », souligne l’ICM.
Après la révolution biologique du séquençage du génome humain, l’heure est à la modélisation du vivant pour « une médecine enrichie par la recherche fondamentale, multidisciplinaire et translationnelle ». L’INSERM le souligne dans son plan stratégique, en insistant sur le fait que « le biologiste et le clinicien [doivent faire] désormais appel aux apports du physicien, du chimiste, du mathématicien, du bio-informaticien, de l’ingénieur, de l’écologiste et du chercheur en sciences humaines et sociales et environnementales ».
[1] https://www.lequotidiendumedecin.fr/actualites/article/2018/09/13/les-b…
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