Si l’on voit surtout des ingénieurs à la tête – et à l’origine – des startups qui exploitent les technologies d’intelligence artificielle en santé, on commence à rencontrer quelques médecins atteints par le virus du pitch et du MVP [1]. Mais il faut reconnaître que ces fondateurs (ou co fondateurs) d’entreprises font preuve d’une curiosité et d’une agilité intellectuelles qui les ont très tôt poussés à additionner les cursus de formation.
Moutons à cinq pattes
À Bordeaux, par ailleurs véritable pépinière en e-santé, on peut croiser deux de ces moutons à cinq pattes. Bertrand Moal, par exemple : en 6e année de médecine, mais déjà thésé en biomécanique, il crée Deski, en 2016 (avec son frère ingénieur), porté par l’ambition de développer des algorithmes d'apprentissage profond pour une analyse automatique de la colonne vertébrale.
Ou Clément Goehrs, médecin de santé publique, chercheur à l’Inserm, et titulaire d’un master en informatique. Parents médecins, attiré par la recherche, il se voyait bien travailler en gériatrie, ou aux urgences. Le voilà désormais PDG d’une jeune pousse de 10 personnes - dont deux co-fondateurs médecin (pharmacologue) et ingénieur : Synapse Medicine. Déjà auréolée de récompenses et soutenue par des fonds publics (BPI France, la région Nouvelle-Aquitaine), elle a vocation à accompagner les médecins dans leurs prescriptions, par le dépistage des contre-indications et interactions dangereuses ou l’adaptation des posologies.
Interagir en langage naturel
Quoi de neuf, alors que les LAP (logiciels d’aide à la prescription) sont maintenant bien installés dans la pratique ? Le médecin peut interagir en langage naturel (écrit ou verbal) avec l’assistant numérique développé par Synapse et recueillir une réponse en quelques secondes. Après deux ans d’une recherche et développement qui a consisté à mettre au point et tester des algorithmes nourris par les bases de l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament) et autres sources officielles, la plateforme est aujourd’hui ouverte à tout médecin curieux de l’expérimenter. Plusieurs centaines se sont déjà inscrits dès son ouverture. « Les premiers retours sont très positifs, notait Clément Goehrs quelques jours après ce lancement. Le gain de temps apporté par la solution est réel et les utilisateurs commencent à se projeter sur la manière dont les fonctionnalités peuvent évoluer ».
Il constate aussi avec satisfaction que ses confrères sont sensibles au fait qu’un médecin guide le développement de l’outil. « Cela fait forcément la différence », insiste-t-il, persuadé qu’il est impossible de s’aventurer dans le traitement des données à des fins d’applications en santé sans connaître les problématiques médicales ni comprendre ce que signifient les données ainsi manipulées. Bref, sans l’implication active d’un médecin. Bonne nouvelle : les vocations sont en train de naître ! « De plus en plus d’étudiants en médecine me sollicitent pour avoir des conseils et connaître mon parcours ».
Si la question « les médecins seront-ils remplacés par une IA ? » agite régulièrement le microcosme, ces pionniers préfèrent, eux, s’attaquer aux solutions qui augmentent les capacités de diagnostic et de traitement du médecin. À l’instar de la vision argumentée par un Guy Vallancien, en France (« N'augmentons pas l'homme, mais les capacités de l'IA pour accompagner l'homme ! » [2]), ou par un Eric Topol, aux Etats-Unis (« l’IA pourrait devenir le complément infatigable et rentable des médecins en leur donnant plus de temps pour se concentrer sur la complexité de chaque patient pris individuellement » [3]).
[1] Le pitch, présentation qui doit être courte et impactante, et le Minimum Viable Product, solution non aboutie qui permet de valider l’intérêt d’un produit avant de lancer son développement, constituent deux activités caractéristiques des startups
[2] https://questionsdetransformation.ey.com/partis-pris/-n-augmentons-pas-…
[3] https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(17)3176…
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