Réduire la douleur ou le stress d'un patient lors d'un acte médical ou l'aider à vaincre son addiction à la cigarette grâce à une paire de lunettes et un casque auditif : il ne s'agit pas de science-fiction mais d'une réalité virtuelle thérapeutique que l'on rencontre déjà dans certains établissements hospitaliers.
En deux ans, six entreprises majeures se sont lancées sur ce marché. Les applis de réalité virtuelle visent principalement la relaxation thérapeutique, la prise en charge de pathologies psychiatriques et la rééducation.
Dans ce business international porteur (environ 2,5 milliards d'euros de revenus d'ici à 2023), la France est bien positionnée. Elle est même « leader de l'Europe », estime Denise Silber, présidente de Basil stratégies et VRforHealth, spécialiste du secteur. Sur le site clinicalTrials.gov, 65 essais cliniques français sont recensés contre 25 au Royaume-Uni ou 9 en Allemagne. « Cette technologie est à l'intersection de plusieurs pathologies dans les champs de la douleur, en oncologie, psychiatrie, pédiatrie, pour la rééducation… Il y a une trentaine de cas d'usages », précise cette experte.
Basculer dans un état hypnotique
Cette technologie vise d'abord à améliorer la prise en charge des patients. Certains actes invasifs – comme la ponction lombaire, la biopsie mammaire, le drainage pleural ou les chirurgies orales – restent douloureux malgré les antalgiques et anxiogènes pour les patients.
Afin de répondre à la demande des équipes de soins, les start-up tricolores Healthy Mind et Bliss élaborent des logiciels de réalité virtuelle pour plonger le malade dans un environnement relaxant. Plage, forêt, monde sous-marin ou prairie, musicothérapie et exercices de respiration : les modèles font basculer le patient dans un état hypnotique avant l'acte médical.
À l'hôpital Bicêtre de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l'équipe d'anesthésistes utilise déjà cet outil depuis un an et demi, en complément d'une anesthésie locorégionale ou d'une sédation, pour plusieurs gestes comme la pose de cathéters centraux ou de pacemakers. « Les retours des patients sont très positifs. La douleur est vécue de manière individuelle. Certains nous diront "je me suis endormi", d'autres "c'était mieux que la dernière fois" », témoigne au « Quotidien » le Dr Catherine Bernard, anesthésiste-réanimateur. Elle constate que la demande se renforce dans les spécialités interventionnelles comme la radiologie, la gynécologie ou l'hépato-gastro-entérologie. « On essaye de développer des endoscopies sans anesthésie, poursuit-elle. L'une des clés est que le patient soit bien informé et acteur. »
Après un séjour en réanimation
D'autres sociétés comme C2care s'intéressent à la prise en charge de troubles psychiatriques tels que les addictions, l'anorexie mentale, la pulsion hyperphagique ou la prévention du stress post-traumatique. Depuis un an, le service d'addictologie du CHU d'Amiens-Picardie utilise un logiciel pour traiter les troubles liés à la dépendance à l'alcool. Le patient est plongé dans des environnements proches de la réalité et source de tentations (bar, boite de nuit) afin d'apprendre à gérer une envie subite de consommation. « Il est incité à consommer, explique le Pr Alain Dervaux, chef de service psychiatrie. Le sujet peut exprimer son émotion comme "je ne vais pas y arriver". Le thérapeute l'aide à développer des stratégies afin qu'il puisse les appliquer dans la vraie vie. » Les premiers résultats sont encourageants avec une baisse des pulsions après trois séances.
À l'hôpital européen de Marseille, le Dr Thomas Signouret, anesthésiste-réanimateur, expérimente depuis peu la réalité virtuelle afin de prévenir le syndrome de stress post-traumatique après un séjour en réanimation. « Nous cherchons à savoir si cette technique fait sens dans notre service, expose-t-il. Il y a un véritable inconfort et une angoisse en réa liés au bruit, au manque de sommeil, à la faim, à la soif. Face au patient, le praticien s'interroge sur sa pratique et peut parfois se sentir malveillant envers lui. » Les premiers tests indiquent une amélioration sur la fréquence respiratoire et le sommeil.
Aussi encourageantes soient-elles, ces expérimentations de réalité virtuelle nécessiteront d'être approfondies en incluant davantage de patients afin d'obtenir un niveau de preuves suffisant pour intégrer cette technologie dans la palette thérapeutique.
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