Dans l’ancien self du site de Lacassagne, près de l’hôpital Édouard Herriot, les tables de restauration ont été remplacées par des imprimantes 3D. Il y a les « basiques », qui ont été mises à disposition des Hospices civils de Lyon (HCL) en 2020 par l’Institut national des sciences appliquées (Insa) Lyon. Et les « perfectionnées », acquises depuis par l’hôpital, pour imprimer en trois dimensions des objets plus compliqués.
« La plateforme d’impression en trois dimensions "CO’Lab 3D" est née pendant l’épidémie de Covid, lorsque nous avons connu un gros coup de frein sur nos approvisionnements », raconte Peggy Leplat-Bonnevialle chargée de mission Innovation et partenariat à la direction de l’innovation des HCL et responsable de la plateforme CO’Lab 3D.
« Nous avions de grosses pénuries de matériel et un formidable élan de solidarité s’est alors déployé. De nombreuses entreprises comme Volvo Truck ou Michelin, qui disposaient de moyens de production à l’arrêt, se sont proposées pour nous aider, à condition que nous leur fournissions un cahier des charges de nos besoins. Avec un chirurgien en odontologie hospitalière, nous avons recensé les manques et rédigé ces documents pour des objets simples du quotidien. En mars et avril 2020 nous avons notamment fabriqué près de 15 000 visières et lunettes en deux mois », détaille Peggy Leplat-Bonnevialle.
Prototypes et pièces détachées
C’est ainsi qu’est née la plateforme Co’Lab3D, grâce à l’Insa Lyon. « L'école d'ingénieurs avait reçu un financement de la fondation Insa pour acquérir une vingtaine d’imprimantes 3D. Ils nous ont aidés à fabriquer les visières, puis quand la première vague Covid s’est terminée, ils nous les ont mises à disposition. La direction des HCL a été emballée et nous avons eu un an pour réaliser notre preuve de concept, mais sans budget dédié », souligne la chargée de mission. Une quinzaine de volontaires se sont proposés pour participer à la plateforme d’impression 3D et l’école les a formés pendant trois jours. « Nous avons ensuite lancé un appel à idées 3D au sein des HCL et 150 projets nous ont été remontés », se souvient-elle.
Les projets développés sont de quatre sortes. Il peut s’agir de prototypage, c’est-à-dire des produits développés sur mesure pour répondre à des besoins spécifiques qui ne trouvent pas de solution dans le commerce : supports pour suspendre des flacons d’anesthésiant, portes-tubes ou bouchon-pince pour les tests Covid, technologie désormais brevetée par la plateforme.
CO’Lab 3D imprime aussi des pièces détachées améliorées, comme un silencieux sur un équipement biomédical, ou une « marguerite », une pièce spécifiquement adaptée aux diamètres des tubes de respirateurs pour enfants, afin de les maintenir en hauteur.
Modèles anatomiques et objets ergonomiques
Autre type d’impression : les modèles anatomiques pour faire de l’enseignement aux internes, de l’éducation thérapeutique du patient ou pour les chirurgies complexes. « Cela va du modèle de cerveau dont les deux hémisphères se détachent pour expliquer l’épilepsie aux patients, à une fracture de hanche grandeur nature pour un chirurgien qui opère la semaine suivante », explique-t-elle. Enfin, la plateforme travaille beaucoup avec les ergothérapeutes et leurs patients en situation de handicap en les aidant à concevoir et fabriquer des aides techniques : supports de couverts adaptés, porte-brosse à dents, jeu d’échecs avec un crochet, etc.
Depuis 2021, les HCL ont créé la direction de l’innovation, qui a lancé un appel à projets innovation. La plateforme a candidaté et a ainsi obtenu des fonds pour fonctionner pendant une année supplémentaire. « Nous avons pu embaucher une ingénieure en impression 3D, Mélia Virely, et se faire certifier ISO 13 485 pour fabriquer des dispositifs médicaux de classe I pour notre utilisation propre », se félicite Peggy Leplat.
« Côté médical, nous sommes contents d’avoir une plateforme qui nous permet d’être indépendants et de soutenir des projets que des industriels auraient refusé ou qu’il faudrait payer plus cher, apprécie la Dr Adélaïde Carlier, chirurgienne maxillo-faciale et cheffe de service de chirurgie orale à l’hôpital Lyon Sud. Je peux notamment faire imprimer des modèles de crâne ou de bouche pour la formation des internes ou pour montrer aux patients le résultat attendu de la chirurgie que je vais effectuer, ou bien des guides implantaires pour nous aider à mettre en place des implants dentaires. »
En juillet 2022, les HCL ont pérennisé CO’Lab3D pour trois ans en lui allouant un budget dédié. Dans son modèle économique, quand la plateforme imprime des pièces qui prolongent la durée de vie des équipements, elle est autorisée à comptabiliser les économies pour l’établissement. L’équipe est en train de développer des prestations externes, pour d’autres établissements de santé, des laboratoires pharmaceutiques ou toutes autres organisations dans le domaine de la santé.
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