Les mécanismes derrière les bienfaits des fibres dans l’alimentation restent mal connus. Pour comprendre ce qui se joue, l’équipe dirigée par Emmanuel Gautier, chercheur au sein de l’unité de recherche sur les maladies cardiovasculaires et métaboliques (Inserm/Sorbonne Université), s’est penchée sur les compositions du microbiote et du système immunitaire intestinal ainsi que leurs interactions.
L’objectif était d’observer « l’impact d’un régime gras sur le système immunitaire intestinal », explique au Quotidien Emmanuel Gautier. Plus précisément, l’équipe s’est intéressée à des « cellules importantes dans l’intestin, les lymphocytes T qui expriment un facteur de transcription particulier, le RORγt, et qui sont connus pour être induits grâce au microbiote ».
Les chercheurs ont ainsi soumis un modèle de souris à un régime riche en graisses et pauvre en fibres pendant quatre semaines. La moitié a aussi reçu une supplémentation en fibres de type fructo-oligosaccharides (FOS). Les résultats de la comparaison entre les deux groupes de souris (avec ou sans supplémentation en fibres) sont publiés dans Nature Communications.
Un lien entre dysbiose et régime sans fibres
Sans supplémentation, les souris présentaient un microbiote appauvri avec une diversité bactérienne plus faible. En particulier, deux populations de cellules immunitaires étaient déficitaires dans l’intestin : les lymphocytes Th17 et les lymphocytes T régulateurs périphériques (pTreg). Cette modification du microbiote, liée à son appauvrissement, suggère une fragilisation du système immunitaire intestinal.
À l’inverse, les souris ayant reçu une supplémentation présentaient un microbiote doté d’une plus grande diversité bactérienne, en particulier avec des espèces microbiennes connues pour soutenir le développement des cellules pTregs et Th17. La supplémentation « empêche la perte de plusieurs de ces espèces microbiennes et est suffisante pour préserver à la fois les cellules RORγt + pTregs et Th17 », relèvent les auteurs.
Le phénomène « pourrait s’expliquer par une contribution des fibres à l’enrichissement du microbiote intestinal en espèces bactériennes qui soutiennent la différenciation de certaines cellules immunitaires, résume dans un communiqué Adélaïde Gélineau, première autrice de cette étude. Le mécanisme expliquant l’association entre ces bactéries et un enrichissement en certaines cellules immunitaires n’est cependant pas encore complètement compris, surtout en réponse à des variations alimentaires ».
Le rôle central des cellules dendritiques cDC2
Après cette première observation, les chercheurs sont revenus à leur sujet d’étude de prédilection : les cellules dendritiques cDC2 (cellules dendritiques CD11b + conventionnelles de type 2), connues pour soutenir le développement des cellules Th17 et participer au fonctionnement des cellules pTreg. « Nous nous sommes demandé si les fibres avaient besoin de ces cellules dendritiques pour rétablir l'homéostasie des lymphocytes T RORγt », indique Emmanuel Gautier.
Les chercheurs ont donc soumis au même régime gras un modèle de souris déficientes en cellules cDC2. Ces dernières se sont révélées « indispensables à la préservation des cellules Th17 intestinales, mais pas des pTregs RORγt, poursuit le chercheur. Elles sont aussi nécessaires à l’homéostasie du glucose ». Les cellules dendritiques jouent donc un rôle clé. Sans elles, l’apport en fibres n’est pas suffisant pour corriger le déséquilibre glucidique.
« L’originalité de notre travail est de révéler que c'est une cellule du système immunitaire qui fait le lien entre les fibres et le métabolisme », ajoute Emmanuel Gautier. Les chercheurs montrent également que la neutralisation de l'interleukine 17 (produite par les cellules Th17) limite l’impact de la consommation de fibres sur la tolérance au glucose. Ce résultat ne permet d’expliquer qu’une « partie du mécanisme », souligne le chercheur. D’autres travaux sont donc nécessaires pour compléter cette découverte.
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