L'intérêt de l'anticancéreux alpélisib dans les affections de la voie PIK3CA se confirme, cette fois des patients atteints de myohyperplasie hémifaciale (HFMH), démontrent des équipes de l'hôpital Necker-Enfants malades.
La myohyperplasie hémifaciale est une cause rare d'asymétrie impliquant exclusivement les muscles du visage, dont les origines génétiques et mécanismes de progression étaient jusqu'ici inconnus. Par conséquent, la prise en charge des quelques patients concernés était défaillante, entre erreurs de diagnostic et stratégies inadéquates, dont des corrections chirurgicales lourdes de séquelles.
Atteinte de la voie PIK3CA
Dans des travaux publiés le 15 septembre dans la revue Journal of Experimental Medicine, l'équipe de recherche Médecine translationnelle et thérapies ciblées de l'Institut Necker-Enfants malades (Université Paris Cité, AP-HP, Inserm), dirigée par le Pr Guillaume Canaud, en collaboration avec l'équipe du service de chirurgie maxillo-faciale de l’hôpital Necker-Enfants Malades AP-HP (Pr Roman Khonsari et Pr Arnaud Picard) confirme d'abord l'hypothèse que la HFMH est bien liée à une affection de la voie PIK3CA (ou plus précisément, PIK3CA/AKT/mTOR).
« Dans le service, on suivait cinq patients qui avaient tous à peu près le même problème : la moitié du visage était comme contractée, comme s'ils avaient un spasme », raconte le Pr Roman Khonsari, au micro de France Inter. « On leur a fait des IRM du visage et on s'est aperçu de manière assez inattendue qu'en fait, ce n’était pas une contraction des muscles du visage mais des muscles trop gros. Ils avaient une hypertrophie musculaire de la moitié du visage ».
Plus précisément, les chercheurs ont identifié une mutation gain de fonction du gène PIK3CA dans les muscles de la face chez cinq patients pédiatriques inclus dans l'étude.
Pour mieux en comprendre le rôle dans l'hypertrophie musculaire, l'équipe du Pr Canaud a ensuite créé un modèle murin porteur spécifiquement d'une mutation PIK3CA dans les muscles squelettiques. Les chercheurs ont ainsi observé que cette mutation entraîne une hypertrophie des cellules musculaires striées, un dysfonctionnement des mitochondries et une hypoglycémie avec de faibles taux d'insuline circulante.
L'alpélisib déjà utilisé dans le syndrome de Cloves
Toujours chez le modèle murin, les chercheurs ont montré que l'alpélisib, un inhibiteur de PIK3CA approuvé dans le cancer du sein*, prévenait et réduisait l'hypertrophie musculaire, tout en corrigeant les anomalies endocriniennes.
Ce n'est pas la première fois que l'équipe du Pr Canaud travaille sur l'alpélisib. En 2016 et 2018, il avait notamment démontré l'intérêt majeur de cette stratégie thérapeutique pour les patients du syndrome de Cloves (Congenital Lipomatous Overgrowth Vascular Malformation Epidermal Nævi) ou de troubles apparentés qui ont vu leur état de santé et leur qualité de vie s’améliorer de manière significative.
Et c'est sur la base de ces travaux (récompensés par le Prix Line Renaud-Loulou Gasté) que l'Agence américaine du médicament (FDA) a autorisé en avril 2022 l'alpélisib comme premier et unique traitement pour les patients adultes et pédiatriques de 2 ans et plus atteints du syndrome de Cloves liée à une mutation du gène PIK3CA.
Cinq patients traités
Cette fois, l'équipe de Necker, qui a pu traiter à Paris dans le cadre d'un essai clinique cinq patients enfants et adolescents avec de l’alpélisib, a observé une amélioration nette de l’hypertrophie musculaire chez tous, associée à une symétrisation progressive du visage. La réponse au traitement a été évaluée à l'aide de méthodes d'imagerie innovantes (photographie 3D tous les 15 jours puis toutes les trois semaines, et analyse des photographies 2D par intelligence artificielle). Des méthodes cellulaires et moléculaires ont démontré par ailleurs que l'alpélisib avait une action positive et prolongée sur les effets de la mutation du gène PIK3CA.
Marion, 17 ans, l’une des cinq patientes qui a pris le traitement, témoigne sur Fance inter de son soulagement d'être enfin diagnostiquée et prise en charge. « Je reprends confiance petit à petit. Je suis vraiment très contente de voir mon visage redevenir normal ».
* Localement avancé ou métastatique HER2 négatif, RH+ et mutation PIK3CA, traitement de 2e intention
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