Lombalgies

Penser au canal lombaire rétréci

Publié le 21/11/2014
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Parmi les causes de lombalgies du sujet âgé, à côté des lombalgies communes, le canal lombaire étroit, de plus en plus répandu dans cette tranche d’âge, doit être évoqué.

«La lombalgie commune est une pathologie fréquente du sujet âgé. Mais c'est plus le rétrécissement du canal lombaire qui pose aujourd'hui problème chez les seniors. Il induit, en effet, des douleurs d'origine lombaire ou lombo-radiculaire avec douleurs claudicantes qui engendrent un handicap fonctionnel majeur menant au confinement et à la perte d'autonomie. Or son incidence va croissant avec l'allongement de l'espérance de vie », pointe le Pr Serge Poiraudeau (CHU Cochin, Paris).

Le diagnostic clinique est simple. Il associe une claudication avec limitation du périmètre de marche, des douleurs à la station debout et à la marche et une absence de douleur en position assise ou allongée. « Ces douleurs résultent de l'ischémie artériolaire induite par le rétrécissement qui gêne le retour veineux au niveau épidural. Or, à la marche ou en position debout, la position en lordose réduit le périmètre canalaire, alors qu’au lit ou en position assise, le canal "s'ouvre" », explique le Pr Poireaudeau. L'imagerie confirmera le diagnostic – écartant le diagnostic différentiel de claudication d'origine artérielle – et guidera le traitement.

Infiltrations locales et rééducation en cyphose

La prise en charge de ce syndrome repose sur des infiltrations locales de corticoïdes, au niveau postérieur et/ou épidural, associées à une rééducation en cyphose. « La rééducation en cyphose est l'un des premiers programmes de rééducation à avoir été validé, dès les années 1930… Les exercices de posture peuvent être appris en quelques séances supervisées. Reste ensuite au sujet à les pratiquer régulièrement », souligne Serge Poiraudeau. Les antalgiques de palier I ou II sont utilisables dans cette pathologie mais leur activité reste très modeste. En revanche, anti-inflammatoires non stéroïdiens et opiacés, très peu efficaces et à risque chez le senior, ne sont pas indiqués.

En cas d'échec, la chirurgie peut être évoquée. Mais cette chirurgie de libération visant à élargir le canal lombaire (lamino-arthrectomie) n'est pas simple sur un rachis âgé. Elle génère une instabilité imposant bien souvent de compléter le geste par une arthrodèse… Et, avec le temps, on peut avoir des dégradations, des récidives, liées notamment à l'instabilité lombaire chez le senior. C'est pourquoi en l'absence de techniques permettant un abord plus localisé, moins d'un patient sur dix est aujourd'hui opéré. Mais ces dernières années leur nombre va croissant avec le vieillissement et l'augmentation de l'incidence du canal lombaire rétréci.

Les petits moyens

La lombalgie commune est, quant à elle, responsable de 50 % des douleurs des seniors. «?Si elle se traite à peu près comme chez les plus jeunes, on est bien plus prudent sur le traitement médicamenteux. Nous manquons en effet de données chez les plus de 80-85 ans. C'est pourquoi nous menons aujourd'hui une réflexion, nécessaire, sur cette problématique à l'AGR (Association Gériatrie et Rhumatologie), au sein de la Société Française de Rhumatologie », souligne le Dr Philippe Breville (Issy-les-Moulineaux).

Les antalgiques de palier I ne sont en effet pas toujours efficaces. Quant aux antalgiques de palier II et aux opioïdes au long cours, ils doivent être évités (risques de chutes, de démences..). En conséquence, « on privilégie les thérapeutiques non médicamenteuses au premier rang desquelles la masso-kinésithérapie – exercices d’entretien articulaire lombaires, étirements, renforcement des muscles du tronc et du segment lombo-pelvien et exercices généraux – mais aussi la balnéothérapie et la prise en charge multidisciplinaire au sein d'une cure thermale.

L'acupuncture est utile en particulier sur l'anxiété associée à ces douleurs chroniques. Il faut penser aussi au corset (lombostat). Et, en cas de localisation d’une inflammation radiculaire nette, les infiltrations de corticoïde au niveau articulaire postérieur peuvent être efficaces sous réserve d'être radioguidées. Les atteintes sont néanmoins souvent multiples et diffuses », résume Philippe Breville.

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr