Si l’apparition de la maladie veineuse est indépendante de l’âge, celui-ci est un facteur cumulatif car pour une grande part, les seniors n’ont pas fait traiter leurs premières varices, auxquelles viennent s’ajouter les plus tardives. Or, dans cette population âgée, le risque est important qu’un traumatisme même minime (choc contre un meuble, un fauteuil roulant…) transforme une petite plaie en un ulcère de jambe. Ce dernier affecte « environ 2 % de la population générale, mais cette proportion augmente avec l’âge », assure le Dr Sylvie Meaume, service de gériatrie – plaies et cicatrisation (hôpital Rothschild, Paris).
Perles noires
Le premier risque important chez les personnes âgées est hémorragique, lié en particulier à la dilatation des veinules réticulaires (“perles noires”), ectasies à paroi très fine pouvant se rompre au simple passage d’un gant de toilette, à l’origine de saignements parfois très importants lorsque la personne est sous anticoagulant.
Le second risque est celui « des ulcères d’origine veineuse », ajoute le Dr Sylvie Meaume, « nettement majoritaires (70 % des ulcères de jambe), qu’ils soient variqueux ou post-phlébitique. Ils surviennent en moyenne après 70 ans. » Mais plus on avance en âge, plus la maladie artérielle lui est associée (jusqu’à 25 % des ulcères de jambe sont “mixtes”). En effet, la prévalence de l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs augmente chez les seniors et s’associe souvent à une comorbidité : hypertension artérielle, diabète ou antécédents de tabagisme.
Plus d’ulcère “mixte”
Néanmoins, pour certains spécialistes, il faut se sortir de l’esprit « la notion d’ulcère mixe », avertit le Dr Jean-François Van Cleef, médecin vasculaire (Paris) : « Une artérite des membres inférieurs associée ne doit pas être un prétexte pour ne pas traiter l’ulcère veineux. Il faut raisonner indépendamment et soigner deux maladies différentes : l’insuffisance veineuse et l’artérite. De plus, il convient de ne pas attendre la guérison de l’ulcère pour traiter les varices. » Celles-ci sont éradiquées essentiellement par l’écho-sclérose à la mousse (sans anesthésie générale, ni neuroleptanalgésie chez les seniors) qui permet d’éliminer les incontinences des saphènes et des perforantes, y compris chez le patient sous anticoagulant.
Concernant l’ulcère lui-même, des pansements adaptés aux plaies cavitaires sont renouvelés entre 24 heures et une semaine et associés à la compression, pendant six mois à un an au minimum. Les soins locaux permettent la cicatrisation de 40 à 70 % des ulcères selon leurs caractéristiques. Quant à l’artérite, les soins englobent la marche active, la trithérapie par antiagrégants plaquettaires-inhibiteurs de l’enzyme de conversion-statines, voire la chirurgie ou la dilatation endo-artérielle avec la pose de stents.
Un facteur de désocialisation
La prévention des ulcères de jambe doit être amorcée bien en amont. Selon le Dr Van Cleef, « les varices importantes doivent être traitées même en dehors de signes cliniques de gravité, et a fortiori s’ils sont présents (troubles trophiques au bas de la jambe comme les dermo-hypodermites ou les eczémas, œdème, ankylose de cheville, etc.) ». La prévention s’impose d’autant plus que la douleur liée à l’ulcère et les soins incitent les personnes âgées à limiter leurs sorties. Les antalgiques exposent au risque de chute et les morphiniques à des effets secondaires importants tels que la constipation et la dénutrition.
La vie quotidienne est bouleversée par la nécessité de déambuler avec des bandages volumineux favorisant l’ankylose de la cheville qu’il faudra ensuite rééduquer. « La contrainte des soins (passage infirmier, consultations de suivi, hygiène difficile) impose la prescription d’aides qui « font à la place » et au final rendent la personne âgée moins autonome », complète le Dr Meaume. Le Dr Van Cleef va encore plus loin : « L’ulcère de jambe expose à un risque de désocialisation voire de “clochardisation” de la personne âgée, en ce sens où il peut être un prétexte à ne plus prendre de douche. L’hygiène se dégrade alors, les odeurs corporelles désagréables l’empêchent de sortir, d’aller vers les autres. » Cela favorise le confinement et, cercle vicieux, restreint la marche active, élément fondamental d’une bonne autonomie et de guérison.
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