À l’image d’une épidémie, les troubles neurodéveloppementaux (TND) semblent de plus en plus courants. C’est ce qui se dégage de récentes études très médiatisées, à l’instar d’une publication américaine (Shenouda et al, 2023) qui estime le taux de prévalence des troubles du spectre autistique (TSA) chez les enfants de 8 ans à 1/36 en 2020 – contre 1/50 en 2000. En France, un Bulletin épidémiologique hebdomadaire paru en 2020 décrit aussi une augmentation de la fréquence des TSA entre 1995 et 2010.
Cependant, alors qu’une nouvelle stratégie nationale autisme 2023-2027 a été annoncée, la réalité de cette explosion des TND pose question : cette évolution pourrait s’avérer due à une multiplication des diagnostics – sans réelle modification de la santé neurodéveloppementale de la population pédiatrique.
En fait, un report de certains diagnostics vers les TND pourrait s’être opéré, des études rapportant parallèlement une réduction de la fréquence de troubles du développement intellectuel et une augmentation des TSA.
Des critères diagnostiques flous et discordants
En outre, les critères diagnostiques utilisés à l’heure actuelle pourraient conduire à des biais importants. Car certains se révèlent mal définis, notamment en termes de seuils de sévérité minimum pour retenir le diagnostic. À noter, par ailleurs, la persistance de discordances entre les référentiels diagnostiques tels que le DSM-5 et la CIM-11, notamment pour les critères d’exclusion (selon lesquels les troubles du neurodéveloppement ne doivent pas être attribuables à d’autres maladies).
Ces insuffisances et discordances, ainsi que leurs conséquences statistiques, sont mises en exergue par une étude française d’estimation de la fréquence de la dyslexie à partir des performances de lecture et scolaires, et du niveau intellectuel. Selon ce travail effectué à partir des résultats d’évaluations nationales de 25 000 élèves scolarisés en classe de 6e en 2007, le taux de prévalence de ce trouble dys – qui compte parmi les TND –, peut rester limité à 1,3 % ou atteindre 10 % des élèves en fonction de l’application de critères diagnostiques stricts ou au contraire élargis. En effet, pour ce troubles dys, ni le DSM-5 ni la CIM-11 ne spécifient les niveaux de déficit cognitif et de retentissement fonctionnel nécessaires pour poser le diagnostic. Et si le DSM-5 comme la CIM-11 précisent que le trouble ne peut être diagnostiqué que chez des enfants ne présentant pas d’autres maladies susceptibles d’expliquer les difficultés de lecture, seule la CIM-11 souligne que les performances en lecture doivent présenter un décalage (d’ampleur non précisée) avec les performances intellectuelles globales de l’enfant.
Cumul fréquent de plusieurs TND
Autre élément susceptible de surestimer la prévalence des TND : le cumul fréquent de ces troubles. En effet, parmi les enfants dyslexiques, 14 % manifesteraient également un trouble du spectre de l’autisme, un tiers un TDAH, etc.
Ainsi, certaines études – en particulier basées sur des questionnaires parentaux centrés sur les symptômes de TND – ne retrouvent pas d’augmentation exponentielle de la prévalence des TND. C’est le cas d’une étude américaine (Zablotsky et al, 2019), conduite entre 2009 et 2017, qui conclut à une augmentation certes significative de la prévalence des TDN, et en particulier des TSA et du trouble du déficit de l’attention avec ou sans activité (TDAH) , mais non exponentielle. En Europe, deux études systématiques longitudinales scandinaves (Lundström et al, 2015 et Rydell et al, 2018), elles aussi fondées sur des questionnaires parentaux, concluent même à une stabilité de la prévalence réelle des phénotypes de TND.
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