Cancer du poumon

Vers une extension des indications de la biopsie liquide ?

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Publié le 21/11/2019
Les biopsies liquides sont de plus en plus sensibles et pourraient se décliner à tous les stades de la prise en charge. Si elles font jeu égal avec les biopsies tissulaires en cas d'altérations génomiques, elles peuvent aussi permettre de rechercher la charge tumorale mutationnelle pour prédire la réponse à l'immunothérapie ou la quantité d'ADN tumoral circulant pour dépister précocement les récidives.
La charge mutationnelle tumorale, accessible sur biopsie liquide, est un prédicteur de la réponse à l'immunothérapie.

La charge mutationnelle tumorale, accessible sur biopsie liquide, est un prédicteur de la réponse à l'immunothérapie.
Crédit photo : Phanie

" En France, les biopsies tissulaires restent le gold standard. Les biopsies liquides sont réservées au suivi de la sensibilité tumorale lors d'échappement au traitement, en particulier à la détection sur l'ADN tumoral circulant de mutations de résistance de l’EGFR - leur présence conduisant à passer à un inhibiteur de tyrosine kinase (ITK) de 3e génération - ou de mutations de résistance de ALK. Le "profilage" initial de la tumeur reste toujours basé sur la biopsie tissulaire, même si en absence de tissu accessible les biopsies liquides peuvent parfois être utilisées pour rechercher sur l'ARN circulant, notamment des réarrangements ALK, ou sur l’ADN circulant les mutations activatrices de l’EGFR ",  résume le Pr Paul Hofman (CHU de Nice ). Mais demain les indications des biopsies liquides pourraient s'étendre ". Aussi sensibles que les biopsies tissulaires pour identifier d’autres altérations génomiques conditionnant la thérapeutique, elles permettent également d'évaluer la charge mutationnelle de la tumeur, un indicateur potentiel de sensibilité à l'immunothérapie. Enfin, la quantité d'ADN tumoral circulant constitue un indice précoce de récidive postopératoire qui peut aider à affiner le traitement. Si bien que, " potentiellement, elles pourraient avoir une place à quasi tous les stades de la prise en charge ".

Une sensibilité équivalente aux biopsies tissulaires 

" En 2019, pour la première fois, deux études ont montré que la biopsie liquide peut faire jeu égal avec la biopsie tissulaire dans les cancers pulmonaires non à petites cellules " résume le Pr Hofman.

L'étude américaine NILE (Noninvasive versus Invasive Lung Evaluation) a montré avec une approche NGS et des panels bien particuliers (Guardant 360) sur près de 300 patients naïfs de traitement que les biopsies liquides peuvent être tout aussi sensibles que les biopsies tissulaires pour détecter l'ensemble des altérations génomiques d'intérêt, en particulier les mutations EGFR, HER2, les réarrangements ALK, ROS1 ou les mutations BRAF et RET (1). Pour les cibles thérapeutiques actuelles - EGFR, ALK, ROS1 et BRAF - les résultats concordent parfaitement avec une valeur prédictive positive (VPP) de 100%. La biopsie tissulaire reste toutefois plus sensible pour l'amplification de MET ou les réarrangements de NTRK.

Quelques mois plus tard à l'ESMO, une seconde étude, B-FAST, est venue enfoncer le clou (2). Elle confirme que pour les réarrangements d’ ALK la biopsie liquide est très sensible. Les autres altérations génomiques sont en cours d'examen.

" Ces résultats sont impressionnants en termes de sensibilité. Pour l'EGFR, on était habituellement plutôt autour de 60-70% de sensibilité. Désormais on est quasi à 100% pour tout ce qui est cible thérapeutique. C'est un énorme progrès, commente le Pr Hofman. Seule réserve, on ne connait pas la technique utilisée pour les biopsies tissulaires servant de comparatif. Par ailleurs, la biopsie liquide ne permet pas d'évaluer le statut PDL1, indispensable à l’immunothérapie. Enfin, il ne faut pas oublier le coût du NGS, ni la problématique de l'accessibilité aux plateaux techniques. Si l'on doit avoir recours à des biopsies liquides non seulement avant l'initiation du traitement pour tous les patients mais aussi de manière répétée lors du suivi, ils risquent d'être totalement débordés ", nuance Paul Hofman.

Rechercher la charge tumorale mutationnelle 

Le statut PDL1 n'est pas accessible sur biopsie liquide. Mais d'autres prédicteurs de réponse à l'immunothérapie le sont. C'est le cas de la charge mutationnelle tumorale que l'on peut rechercher sur biopsie tissulaire mais aussi sur biopsie liquide. " Deux études - b-FIRST et MYSTIC - ont montré qu'il existe une bonne corrélation entre une charge mutationnelle élevée (plus de 20 mutations (mut)/megabase (Mb)) mesurée au niveau plasmatique et la réponse à des traitements d'immunothérapie (3,4). Et cette charge mutationnelle est d'autant plus intéressante que c'est un facteur prédicteur de réponse indépendant du statut PDL1 ", explique l'oncologue. Un patient peut en effet avoir une charge mutationnelle élevée et un marquage PDL1 tumoral faible. " Ces premiers résultats sont prometteurs. Ils demandent néanmoins encore à être confirmés dans une étude multicentrique, souligne le Pr Hofman. Pour rappel, aujourd'hui la recherche du statut PDL1 seule indiquée en thérapeutique, est réalisée sur tissu tumoral en immunohistochimie et devrait le rester même s'il n'est pas totalement impossible de la pratiquer dans le sang après isolement des cellules tumorales circulantes (CTC) ".

Doser la quantité d'ADN tumoral circulant

" La biopsie liquide autorise le dosage global de l'ADN circulant tumoral. Ce paramètre est considéré comme un facteur de mauvais pronostic et de récidive. Résultat aux Etats Unis, dans les tumeurs localisées, on dose désormais systématiquement la quantité d'ADN tumoral un mois après l'intervention. Et si le taux résiduel est élevé, une chimiothérapie adjuvante pourrait être lancée, même si le bénéfice d'une telle stratégie n'a pas encore été formellement démontré ".

D'après un entretien avec le Pr Paul Hofman (CHU de Nice )
(1) N Leighl et al. AACR 2019 abstract 4460 (NILE study)
(2) S M Gadgeel et al. ESMO 2019, abstract LBA81_PR 
(3) E Kim et al. ESMO 2018, abstract LBA55 
(4) S Peterset al. AACR 2019, abstract CT074

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr