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Dossier

Congrès de la Société française de pédiatrie

Vaccin méningocoque, des recos françaises timides ?

Publié le 28/06/2019
Vaccin méningocoque, des recos françaises timides ?

Méningocoque
A. DOWSETT, HEALTH PROTECTION AG

Bronchiolite, méningite, etc. : cette année encore, le congrès de la Société française de pédiatrie a accordé une large place à l’infectiologie et aux vaccins. Fortement convaincus par leur utilité, certains pédiatres vont même jusqu’à proposer des recos plus musclées, comme pour le méningocoque.

Faut-il revoir les recommandations en matière de vaccination anti-méningocoque ? C’est la question posée sans équivoque par le Dr Marie-Aliette Dommergues (centre hospitalier de Versailles, Le Chesnay) lors du récent congrès de la Société française de pédiatrie (Paris, 19-21 juin).

À quand un rappel à l’adolescence ?

Pour le méningo C, les autorités françaises préconisent depuis 2010 une vaccination systématique des nourrissons de 12 à 24 mois avec un rattrapage jusqu’à 24 ans. Si dans les groupes d’âge ciblés par la vaccination, cette stratégie a permis une diminution de l’incidence des infections invasives à méningocoques (IIM), elle n’a pas en revanche eu l’effet indirect escompté pour les autres tranches d’âge, faute d’une couverture vaccinale suffisante pour enrayer la circulation du virus. Entre 2010 et 2016, l’incidence des IMM a même augmenté chez les moins d’un an, ce qui a conduit le HCSP à avancer l’âge de la vaccination avec l’introduction d’une première dose dès 5 mois. Une décision « plutôt efficace », souligne le Dr Dommergues, qui a permis une nette diminution des cas d’IMM chez les moins d’un an dès fin 2017.

En revanche, le deuxième pic d’incidence, observé à l’adolescence, n’est pas couvert si « on ne vaccine pas réellement jusqu’à 24 ans ». Par ailleurs, on sait que lorsque l’on vaccine tôt, notamment avant l’âge de 5 ans, le taux d’anticorps baisse assez vite. Or, la méningite ayant généralement une évolution fulminante, le patient infecté n’a pas le temps de faire appel à sa mémoire immunitaire pour fabriquer de nouveaux anticorps. D’où l’importance de maintenir au maximum un taux d’anticorps protecteurs. Dans cette optique, le Dr Dommergue plaide, à l’instar du groupe Infovac, pour l’instauration d’un rappel à l’adolescence.

La menace du méningo W

À ce titre, l’utilisation d’un vaccin tétravalent ACYW pourrait être légitime, dans la mesure où l’on observe depuis 2013-2014 une augmentation des cas d’IIM à sérogroupe W touchant toutes les tranches d’âge, avec la progression rapide d’une souche particulièrement virulente venant d’Angleterre, dite souche UK 2013.

Cette émergence a conduit plusieurs pays comme l’Autriche, le Royaume-Uni ou encore les États-Unis à préconiser un rappel à l’adolescence avec un vaccin tétravalent ACYW. Les Britanniques ont franchi le pas en 2015, alors que taux d’incidence était chez eux de 0,35/100 000.

En France, l’incidence est moindre (0,12/100 000) mais on observe « une dynamique d’évolution similaire », souligne le Dr Dommergues. Autre élément préoccupant : le méningocoque W se caractérise par une forte létalité (23 % vs 5 % pour le méningo B et 10 % pour les autres sérogroupes), pouvant s’expliquer notamment par une sémiologie volontiers atypique, à l'origine de retards diagnostiques. Dans une série portant sur 105 cas de formes digestives, 64 % des patients n’avaient présenté initialement que des douleurs abdominales, 25 % avaient un tableau de gastro-entérite, 11 % des diarrhées isolées tandis que 20 % avaient subi à tort une chirurgie digestive pour suspicion d’appendicite.

Reste que pour le moment, la HAS n’a acté ni le principe d’un rappel systématique à l’adolescence, ni l’idée d’une vaccination généralisée pour le sérogroupe W, préférant privilégier des campagnes localisées dans les zones d’hyperendémies.

Méningo B, l'exemple britannique

De même, pour le méningocoque B, les recommandations françaises actuelles réservent la vaccination à des situations épidémiques spécifiques ou à des populations à risque (asplénie, greffe de cellules souches hématopoïétiques…). Bexsero, le vaccin anti-méningo B disponible en France, peut néanmoins être prescrit à titre individuel et non remboursé dans les indications de l’AMM, soit chez l’enfant de deux mois et plus.

à l’international, six pays (RU, Italie, Lituanie, Andorre, états-Unis, Irlande) ont déjà inclus la vaccination contre le méningo B dans leur calendrier vaccinal en population générale. outre-Manche, après deux ans de vaccination généralisée des nourrissons, la baisse du nombre de cas d'IIM B était de 72 % chez les jeunes enfants. Au total, 277 cas auraient été évités ces trois dernières années, « soit un tous les quatre jours », souligne le Dr Dommergues, « sans signal grave de tolérance » malgré un vaccin plutôt réactogène.

À minima, « les parents doivent donc être informés de l’existence de ce vaccin », estime la pédiatre. En 2017 en France, 42 % des IIM étaient dues à un méningo B (vs 26 % pour le C, 16 % pour le Y et 15 % pour le W), cette proportion dépassant 50 % avant 10 ans.

Bénédicte Gatin