La polyarthrite rhumatoïde est l’un des items de la liste des facteurs de risque du score de FRAX…, ce n’est pas un hasard ! Christian Roux (Paris) a rappelé que le risque d’ostéoporose et de fracture par fragilité est doublé chez les patients atteints de PR. Ce risque est lié à l’âge du patient et au statut ménopausique chez les femmes. Mais il est aussi déterminé par des facteurs liés à la PR : durée, sévérité, handicap. La relation avec les corticoïdes est plus ambiguë : s’ils sont un facteur de risque supplémentaire, c’est peut-être en tant qu’indicateurs de la sévérité de la PR. De fait, l’augmentation du risque de fracture vertébrale ou de l’extrémité supérieure du fémur est indépendante de la prise de corticoïdes.
Le rôle des ACPA
Des données récentes apportent un éclairage physiopathologique à cette relation. Les lymphocytes T activés, présents en abondance dans la synovite rhumatoïde active, produisent du RANK-ligand, facteur clé de la différenciation des ostéoclastes. Un rôle direct des ACPA, anticorps dirigés contre les protéines citrullinées (qui peuvent être produites par l’ostéoclaste lui-même), sur la résorption osseuse a été démontré : l’activation de la résorption osseuse passe par un mécanisme dépendant du TNF-α. Les altérations de la microarchitecture trabéculaire sont plus importantes chez les patients ayant une PR avec ACPA que chez ceux sans ACPA. Il est même suggéré de façon un peu provocatrice que la perte osseuse médiée par les ACPA pourrait précéder le début clinique de l’atteinte articulaire remettant en cause le concept établi selon lequel les érosions osseuses seraient la conséquence de la synovite… De plus, la réparation osseuse est diminuée au cours de la PR : les médiateurs inflammatoires stimulent l’expression de sclérostine, d’où une diminution de l’ostéoformation.
La modulation de l’activité inflammatoire de la PR a-t-elle une action sur le statut osseux des patients ? Les données concernant les anti TNFα suggèrent une diminution de la perte osseuse dans quelques études récentes. Il est intéressant de noter que le contrôle de l’inflammation et de l’activité de la PR permet d’améliorer le statut osseux, même chez des patients recevant une cortisonothérapie à faible dose. Un travail récent suggère que le tocilizumab, un anticorps monoclonal humanisé qui bloque l’action des récepteurs de l’interleukine 6, améliore les paramètres contrôlant l’ostéoformation chez des patients ayant une PR avec une bonne réponse clinique à ce traitement. Pour terminer ce panorama, il est à souligner que dans une cohorte de patients rapportée au dernier congrès de l’ACR, il n’a pas été constaté de différence de l’incidence des fractures par fragilité entre les patients traités par anti TNFα ou par DMARDs classiques.
Fractures vertébrales dans la SpA
La spondylarthrite axiale ankylosante (SpA) est aussi associée à une augmentation du risque de fracture, mais uniquement vertébrale. Christian Roux a insisté sur la nécessité d’une démarche rigoureuse devant la constatation d’une déformation vertébrale sur un rachis atteint de SpA. Une telle déformation peut être une authentique fracture par fragilité mais doit faire écarter une déformation liée aux remaniements inflammatoires des enthèses qui peuvent déformer les coins vertébraux et simuler une déformation fracturaire. Bien sûr, il convient aussi d’avoir en tête les rares mais très graves fractures transversales trans discales sur colonne bambou qui déstabilisent le rachis et sont associées à un fort taux de complications neurologiques.
L’hyper résorption osseuse est une constatation quasi constante chez les patients atteints de SpA active et la perte osseuse (vertébrale et fémorale) est elle-même étroitement liée à l’inflammation (œdème osseux en IRM) dans la cohorte DESIR.
Les liens physiopathologiques entre perte osseuse et inflammation au cours des SpA sont une autre illustration des interactions parfois coupables entre système immunitaire et cellules osseuses ! Le coupable est sans doute ici une autre population lymphocytaire T, spécifiquement identifiée dans les enthèses (et le tissu valvulaire aortique) et capables de répondre à l’IL-23 en élaborant différents médiateurs inflammatoires impliqués dans la genèse des lésions locales et – peut-être – de la perte osseuse systémique. Cette perte osseuse est également susceptible d’être améliorée par les traitements anti TNFα. La possibilité d’intervenir en bloquant d’autres médiateurs, notamment l’IL-23, reste un champ d’investigations à ouvrir !
Pr Philippe Orcel
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