Nouveau concept

La pré-polyarthrite rhumatoïde

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Publié le 07/04/2023
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Actuellement, le concept de pré-polyarthrite rhumatoïde fait l’objet de nombreuses études, menées sur des traitements visant à enrayer le processus évolutif et à prévenir le développement de la maladie.
L'abatacept, pendant six mois, diminue le risque d’arthrite clinique

L'abatacept, pendant six mois, diminue le risque d’arthrite clinique
Crédit photo : GARO/PHANIE

Les anticorps anti-peptides citrullinés (ACPA) sont détectables jusqu’à plus de dix ans avant l’apparition de la polyarthrite rhumatoïde (PR). Le tabagisme, actif et passif, est un facteur de risque bien connu. Selon une récente étude suédoise, les agents inhalés professionnels pourraient également être des « inducteurs/activateurs » favorisant la survenue d’une PR ACPA positive (ACPA+), avec un effet cumulatif des diverses expositions aux différents polluants. Dès lors, il pourrait être intéressant de proposer un traitement chez les patients à risque (présence d’ACPA, risque génétique). « Récemment, des études ont été menées avec trois molécules : l’abatacept, l’hydroxychloroquine et le méthotrexate. Les résultats, présentés au congrès du Collège américain de rhumatologie (ACR) 2022 sont très hétérogènes », souligne le Pr Hubert Marotte (Saint-Étienne). Dans l’étude ARIAA évaluant l’abatacept, les résultats sont mitigés. Les critères d’inclusion étaient la présence d’arthralgies depuis au moins six semaines, d’ACPA+ et d’une inflammation à l’IRM de la main dominante. Le traitement par abatacept, pendant seulement six mois, diminue significativement le risque d’arthrite clinique à 18 mois : 35 % versus 57 % dans le groupe placebo. Néanmoins, la population cible, pour laquelle le bénéfice/risque serait favorable, reste à déterminer. Quant à l’hydroxychloroquine, elle n’aurait aucun effet sur l’apparition d’une PR chez des sujets ACPA+ (avec un apparenté ayant une PR), selon l’essai StopRA. 

Traiter précocement en préventif ?

Menée chez 236 patients présentant des arthralgies inflammatoires suspectes de PR (avec une inflammation infraclinique à l’IRM), l’étude randomisée en double aveugle Treat Earlier visait à déterminer si un traitement précoce associant le méthotrexate (25 mg/semaine pendant un an) à une injection de corticoïdes (120 mg en intramusculaire) permettrait d’empêcher l’apparition d’une PR clinique ultérieure (1). Les patients ont été suivis un an supplémentaire sans traitement. À deux ans, aucune différence n’a été observée entre le groupe traité et le bras placebo (81 % versus 82 %), concernant le développement d’une PR avérée avec synovite. « Un léger retard dans le diagnostic éventuel de PR a été observé sous traitement actif pendant les douze premiers mois, surtout dans deux sous-groupes à haut risque (risque ≥ 70 % et ACPA +). Mais à deux ans, il n’y avait plus de différence avec le groupe placebo. Le traitement par méthotrexate et corticothérapie ne prévient pas la PR. Mais dans le groupe traité, on observe une diminution significative de la douleur, de l’incapacité fonctionnelle, et de l’inflammation à l’IRM maintenue sur deux ans. Cela confirme le concept de fenêtre d’opportunité, avec un traitement le plus précoce possible », précise le Pr Marotte. 

Diminuer le risque cardiovasculaire

La PR est connue pour entraîner un risque cardiovasculaire (CV) accru. Présentée à l’ACR, une étude observationnelle a évalué sur cinq ans l’incidence des évènements CV (cardiopathie ischémique, geste de revascularisation coronarienne, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral ou ischémique transitoire) chez les patients atteints de PR précoce pris en charge par une stratégie Treat-to-Target (T2T) par rapport à une population sans PR appariée par facteur de risque CV, et une cohorte historique de PR traitée sans T2T (2). « Les résultats montrent que la stratégie T2T neutralise le surrisque CV lié à la PR. Cette diminution du risque pourrait s’expliquer par une activité plus faible de la maladie, une durée de rémission plus longue et l’utilisation du méthotrexate, explique le spécialiste. Une autre façon de réduire le risque CV est également de diminuer l’utilisation des corticoïdes ».

Selon une étude de cohorte rétrospective réalisée chez 18 882 vétérans américains (3), l’utilisation récente des corticoïdes dans la PR est associée à des évènements CV majeurs, indépendamment des autres facteurs de risque CV variant dans le temps et de l’utilisation antérieure de corticoïdes. Ainsi, l’administration de corticoïdes pendant moins de deux semaines, dans les six derniers mois, augmente de 63 % le risque CV. Et plus de trois mois d’utilisation de corticoïdes, dans les six derniers mois, multiplie par deux le risque CV. 

L’effet osseux d’une faible corticothérapie

Enfin, diminuer les corticoïdes est aussi bénéfique pour l’os. Cependant, même des corticoïdes à faible dose (moins de 2,5 mg/jour) sont associés à une perte de densité minérale osseuse et une augmentation des fractures, chez les femmes ayant une maladie rhumatismale inflammatoire chronique, sans traitement antiostéoporotique (4). Ces résultats démontrent qu’il faut obtenir un sevrage en corticoïdes et ne pas se contenter d’une faible dose.

D’après un entretien avec le Pr Hubert Marotte (Saint-Étienne) 
(1) Krijbolder D et al. Lancet 2022 Jul 23;400(10348):283-94
(2) Lam TO et al. ACR 2022, Abst 1649
(3) Wallace B et al. ACR 2022, Abst 2219
(4) Adami G et al. ACR 2022, Abst L01

Christine Fallet

Source : Bilan Spécialiste