La compréhension actuelle des maladies auto-immunes et inflammatoires repose principalement sur l’analyse du compartiment circulant (sérum et cellules sanguines), image très indirecte des mécanismes physiopathologiques survenant sur le site de l’inflammation dans les organes touchés par le processus auto-immun. Il a ainsi été découvert les grands mécanismes menant à la maladie et les cibles thérapeutiques à l’origine du développement des thérapies ciblées, aujourd’hui utilisées en pratique courante. Cependant, la réponse à ces traitements est hétérogène. Les patients sont parfois réfractaires aux thérapies existantes, et certaines maladies auto-immunes systémiques restent orphelines de traitement (maladie de Sjögren, sclérodermie). Il nous faut donc mieux comprendre ces maladies afin de développer de nouveaux traitements plus efficaces.
L’étude du tissu cible de l’auto-immunité pourrait ainsi être une opportunité majeure, mais jusqu’à récemment, elle a été entravée par des limitations technologiques. Ces analyses se limitaient principalement à l’histologie « classique » (observation au microscope d’une section de biopsie, avec analyse qualitative et subjective par un anatomopathologiste) et aux immunomarquages (immunohistochimie et immunofluorescence), permettant au mieux d’étudier sur la même lame deux ou trois marqueurs. Quant aux analyses transcriptomiques (PCR quantitative, puis microarray, et RNAseq depuis une dizaine d’années), elles étaient restreintes au profil d’expression génique d’un tissu dans son ensemble, sans possibilité d’information spatiale ou de type cellulaire. Des avancées technologiques très récentes ont bouleversé les approches dans ce domaine, tant en termes d’analyses histologiques automatisées, d’immunomarquages, que d’analyses transcriptomiques.
Des analyses histologiques automatisées
Les grands progrès récents en bio-informatique et en intelligence artificielle (IA) ont permis l’avènement de la « pathomique », qui désigne l’ensemble des algorithmes impliqués dans l’analyse automatisée et non supervisée d’images tissulaires (histologiques ou immunomarquées). Diverses méthodes, utilisant notamment des réseaux neuronaux convolutifs, ont permis de développer des outils d’apprentissage profond ou « deep learning », capables d’analyser de façon autonome des images. Leurs performances peuvent être excellentes, en termes de rapidité d’analyse et de reproductibilité. D’abord développée en cancérologie, cette véritable révolution en anatomie pathologique intéresse également les autres analyses tissulaires, notamment pour le diagnostic des maladies auto-immunes.
Immunomarquages multiplexes
Longtemps limitées à l’analyse simultanée de deux à trois marqueurs par lame, les technologies d’immunomarquage ont connu un changement de dimension exceptionnel ces cinq dernières années, avec la possibilité de quantifier sur la même lame 40 à 50 marqueurs. Elles reposent principalement sur des marquages fluorescents en cycles consécutifs sur la même lame, ou sur l’utilisation d’anticorps couplés à des métaux avec une analyse par spectrométrie de masse (imagerie par cytométrie de masse). L’analyse du phénotype des cellules tissulaires est beaucoup plus fine, et peut donner des informations précieuses sur leurs fonctions (activation de voies de signalisation, sécrétion de cytokines…). L’information spatiale est également capitale : il est désormais possible d’observer quels sous-types cellulaires donnés sont à proximité d’autres cellules dans le tissu.
La transcriptomique in situ et spatiale
Tout récemment, plusieurs technologies ont été développées, afin d’analyser le profil d’expression génique d’une cellule unique en suspension ou sur une coupe de tissu. Le « single-cell RNAseq » permet de quantifier l’expression de tous les gènes d’une cellule unique. Ces méthodes offrent actuellement la possibilité d’analyser entre 10 000 et quelques centaines de milliers de cellules issues d’un même tissu dissocié. Grâce à une approche non supervisée, ces technologies permettent de décrire de nouvelles sous-populations cellulaires non identifiées et avec un potentiel rôle majeur dans la physiopathologie des maladies. En 2021, la transcriptomique spatiale a été élue méthode biologique de l’année par la revue Nature (1). Cette approche permet de quantifier in situ (sur une lame de tissu, en gardant l’information spatiale par imagerie tissulaire) l’expression de quelques centaines à plusieurs milliers de gènes, avec une résolution pouvant être subcellulaire. Ces technologies devraient permettre de découvrir très précisément le fonctionnement des cellules au sein des tissus et leurs interrelations.
Ces différentes approches s’annoncent prometteuses. Mais le volume de données généré est gigantesque et nécessite le développement de stratégies d’analyse bio-informatiques (qui devront recourir à l’IA) pour le traiter, l’analyser, et intégrer les différents types de méthodes.
Directeur d’Unité Inserm et Professeur à l’Université de Brest
(1) Marx V. Method of the Year: spatially resolved transcriptomics. Nat Methods 2021 Jan;18(1):9-14
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