Depuis plus de 20 ans, les injections d’acide hyaluronique (ou viscosupplémentation) font partie de l’arsenal thérapeutique du rhumatologue, pour la prise en charge de l’arthrose et notamment de la gonarthrose. L’efficacité et les risques de ce traitement sont régulièrement remis en cause à la suite de méta-analyses souvent discutées.
La viscosupplémentation débattue
Une importante revue de la littérature a été faite par les rhumatologues de la Société française de rhumatologie (SFR), permettant l’élaboration de recommandations sur la prise en charge pharmacologique de la gonarthrose (1). Les injections d’acide hyaluronique ont été reconnues comme un des traitements les plus intéressants dans cette indication, surtout lorsqu’on le compare aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), aux injections de corticoïdes et aux traitements physiques de la gonarthrose. Mais une récente méta-analyse a remis en cause ces recommandations (2). Malheureusement, elle présente de nombreux biais, faussant les résultats, et notamment la description d’effets indésirables qui semblent n’être que des événements intercurrents. Ainsi, une mise au point a été réalisée et signée par les associations de rhumatologues, de chirurgiens orthopédistes, de rééducateurs fonctionnels et de patients. Elle met en avant la nécessité de rediscuter cette publication, et explique pourquoi l’acide hyaluronique reste en France un des traitements les plus intéressants dans la gonarthrose. Ces éléments sont disponibles sur le site de la SFR (3).
Des possibilités d’associations
L’expérience des rhumatologues en matière d’arthrose périphérique a aussi permis d’évaluer l’intérêt de l’utilisation de l’acide hyaluronique, seul ou en association avec les corticoïdes. Les dernières études confirment la possibilité d’associer ces traitements sans risque majeur. De plus, un certain nombre de publications permettent de recommander le recours à une association, telle que la bétaméthasone et l’acide hyaluronique dans la rhizarthrose (selon les résultats présentés par une équipe française au congrès 2022 de l’American College of rhumatology). D’ailleurs, une seringue contenant un acide hyaluronique et de l’hexacétonide de triamcinolone est déjà disponible au Canada.
D’autres publications peuvent être retrouvées sur l’utilisation de ces traitements, avec ou sans corticoïdes, dans diverses articulations comme la cheville, l’épaule, la hanche, la métatarsophalangienne du gros orteil, ou la temporomandibulaire. Malheureusement, aucune de ces études n’inclut un nombre conséquent de patients, et la plupart des méta-analyses sont très décevantes. Les auteurs concluent souvent en présentant ce traitement comme une alternative en l’absence d’autres solutions thérapeutiques, de refus ou de contre-indication à la chirurgie.
L’arrivée d’autres traitements injectables en intra-articulaires va très probablement modifier la place de l’acide hyaluronique, notamment les injections de PRP dans le même temps ou à distance de l’administration de plaquettes.
PRP : stimuler la régénération tissulaire
Les injections de PRP en pathologie musculosquelettiques ont vu leurs nombres et leurs indications exploser au cours de la dernière décennie. Les premières injections, réalisées dès les années 2000 étaient réservées à une élite sportive (Rafael Nadal en 2008), notamment en raison du coût de l’injection.
Le PRP s’obtient à partir de la centrifugation de sang total périphérique, permettant de séparer les différents éléments le constituant. Le nombre de centrifugation, leur vitesse et leur durée permet de faire varier la composition du PRP (richesse en globules rouges et blancs, concentration plaquettaire…). La variabilité des dispositifs repose également sur l’ajout parfois d’un anticoagulant ou d’un activateur plaquettaire.
L’objectif des injections de PRP est de stimuler la régénération tissulaire, grâce à la libération et l’apport local de facteurs de croissance (IGF-1, VEGF, PDGF…). Ceux-ci sont présents dans le plasma dès l’injection, mais proviennent également d’une libération du contenu des granules alpha-plaquettaires lors de leur activation. Dans la pathologie arthrosique, le PRP doit lutter contre les boucles d’amplifications négatives, qui conduisent irrémédiablement à la dégradation cartilagineuse et articulaire. L’objectif est de recréer un environnement articulaire en homéostasie.
Dans les tendinopathies, les injections de PRP ne doivent s’envisager que dans les formes chroniques, en échec à la prise en charge médicale et rééducative bien menée. Il s’agit dans ce cas d’injecter le produit dans les fissures, ainsi que de coupler un geste mécanique de dilacération et d’irritation tendineuse à l’aiguille (needling). Le PRP présente ainsi un intérêt mécanique par « effet colle » sur les fissures, mais également de « boost » de la régénération tendineuse. Plusieurs études montrent que le PRP favorise la guérison tendineuse, ce qui pourrait accélérer le retour sur le terrain pour le sportif.
Les injections de PRP sont bien tolérées et n’exposent pas le patient à des effets secondaires autres que ceux liés au geste en lui-même (douleur post-injection surtout dans le tendon, infection). Il est recommandé que les injections soient guidées, si possible, par échographie (sans contact entre le produit de contraste et les plaquettes), et d’éviter l’association d’un anesthésique local. Par mesure de précaution, un traitement par AINS devra être interrompu 48 heures avant le geste, et n’être repris que 14 jours après. La gestion des antiagrégants plaquettaires doit être validée avec le cardiologue, leurs maintiens ne contre-indiquent pas le geste. Quant aux contre-indications spécifiques, elles sont peu nombreuses : hémopathie, néoplasie non contrôlée, poussée de rhumatisme inflammatoire, grossesse.
Quelles preuves d’efficacité ?
L’effet symptomatique de l’injection de PRP est retardé, comparativement aux autres traitements injectables. En effet, l’amélioration est attendue en six à huit semaines dans la pathologie arthrosique, et dix à douze semaines dans la tendinopathie. En revanche, la durée d’efficacité est supérieure aux corticoïdes et à l’acide hyaluronique.
Dans la gonarthrose, il existe de nombreuses données établissant l’efficacité, notamment par des méta-analyses portant sur des études avec un haut niveau de preuve (4). L’effet symptomatique de l’injection de PRP est supérieur, à celui du placebo et de l’acide hyaluronique, à six et douze mois.
Dans les autres localisations, la preuve d’efficacité reste encore à démontrer. Elle est difficile à établir compte tenu de l’hétérogénéité du produit injecté. Les résultats semblent cependant intéressants dans certaines tendinopathies, notamment celles où l’injection de corticoïdes est à éviter (fascia plantaire, tendon patellaire, tibial postérieur, achilléen…). Le principe même de fonctionnement et de la composition du PRP participe aux difficultés d’établir une efficacité dans de nombreuses indications. La variabilité est non seulement liée au patient (composition sanguine, volume de plasma…), mais également aux types de procédure d’obtention du PRP, aux méthodes d’injection et aux mesures associées (rééducation, gestion des AINS…). Il en résulte un flou et une difficulté de standardisation. Nous pouvons jouer sur certains de ces critères, mais cela est impossible sur d’autres, notamment sur les facteurs de croissance relargués par les plaquettes. L’établissement et l’analyse de registre pourraient être une aide précieuse pour valider les indications.
Institut de rhumatologie interventionnelle (Paris) et cabinet de rhumatologie (Herblay)
(1) Sellam J et al. Recommandations de la Société française de rhumatologie sur la prise en charge pharmacologique de la gonarthrose. Revue du Rhumatisme 2020;87(6):439-46
(2) Pereira TV et al. Viscosupplementation for knee osteoarthritis: systematic review and meta-analysis. BMJ 2022;378:e069722
(3) https://sfr.larhumatologie.fr/actualites/communique-presse-injections-d…
(4) Filardo G et al. PRP Injections for the Treatment of Knee Osteoarthritis: A Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. Cartilage 2021;13(1)_suppl, Dec:364S-375S
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?