Parmi les dernières molécules innovantes à l’essai, lesquelles sont encore en lice ? « Actuellement, seule la sprifermine reste à l’étude en phase III, observe le Dr Augustin Latourte, hôpital Lariboisière (Paris). Ce facteur de croissance avait montré une augmentation de l’épaisseur cartilagineuse, après des injections articulaires (IA) tous les six mois. Il s’agit d’une étude très longue, dont les résultats ne sont pas encore disponibles ».
Les données sur un inhibiteur de la voie Wnt, le lorecivivint en IA, sont difficiles à interpréter, l’essai de phase III ayant été perturbé par le confinement. Dans une analyse post-hoc, les patients qui le souhaitaient ont reçu une autre injection à un an, avec peut-être un effet sur les symptômes et la structure articulaire. Cependant, « l’étude doit pour l’instant être considérée comme négative en raison de toutes les restrictions liées au contexte : la sédentarité imposée par le confinement ayant pu affecter les douleurs liées à l’arthrose », explique le rhumatologue. Les essais devraient néanmoins se poursuivre.
Quant au canakinumab par voie systémique, il n’a pas eu d’effet probant sur la douleur, mais un essai est en cours en IA. L’ADAMTS-5, un inhibiteur d’une aggrécanase intéressant chez l’animal, s’est montré négatif chez l’homme mais des essais sont toujours en cours par voie systémique et IA. Par contre, l’UBX0101, visant à éradiquer les chondrocytes sénescents, a vu son développement arrêté dû à l’absence d’effet sur la douleur et à un léger surrisque d’évènements à la plus forte dose (cardiomyopathie, syndrome coronarien) assez surprenant pour un traitement local. Les études sur les anti-NGF n’ont pas non plus été poursuivies, en raison du risque de survenue d’arthroses rapidement évolutives.
Une molécule source d'espoir
Un dérivé de l'angiopoïétine-like 3, le LNA043, stimule la régénération du cartilage en favorisant la différenciation des cellules souches en chondrocytes, et en stimulant la production de matrice par les chondrocytes. Après avoir montré sur différents modèles d’animaux sa capacité à améliorer l’arthrose, une étude de phase I a été menée chez des hommes candidats à une prothèse du genou. Selon l’analyse des tissus, l’IA de LNA043, réalisée avant la prothèse dans ces articulations particulièrement atteintes, augmente l’expression des gènes de la matrice et des voies de signalisation anabolique, et réduit celle des gènes du catabolisme et de l’inflammation, sans signal d’intolérance (1). Une phase IIb est en cours.
Bénéfice du dénosumab dans l’arthrose digitale
Alors que tous les essais menés avec les biphosphonates se sont révélés négatifs dans l’arthrose digitale érosive, un essai positif mené avec le dénosumab a été présenté au congrès du Collège américain de rhumatologie (ACR). À des doses supérieures à celles utilisées dans l’ostéoporose (une injection tous les trois mois), l’amélioration radiologique des érosions à un an était très nette. En revanche, il n’y avait pas d’effet sur la douleur, sauf peut-être de façon décalée dans le temps après la réparation. « Nous attendons la publication, afin de déterminer quelle pourrait être éventuellement sa place », souligne le Dr Latourte.
Et du côté des infiltrations ?
Il y a un engouement autour des infiltrations de plasma riche en plaquettes (PRP), largement utilisées dans la gonarthrose. Néanmoins, tous les essais cliniques sont jusqu’ici négatifs et aucun élément de preuve ne permet de soutenir cette stratégie (2). « Un essai académique, soutenu par la section arthrose de la Société française de rhumatologie et piloté par le Pr Florent Eymard (Henri Mondor, Créteil), devrait démarrer en 2023, précise le Dr Latourte. Il va évaluer les infiltrations de PRP, versus placebo, chez des patients atteints de gonarthrose ».
Par contre, une étude très bien menée montre le bénéfice des infiltrations de corticoïdes dans la coxarthrose, avec un pic d’efficacité au bout de quatre à six semaines, et sur une durée d’environ trois mois (3).
Effet transitoire du bloc des nerfs géniculés
Selon un essai réalisé dans la gonarthrose, le bloc des nerfs géniculés, innervant la capsule articulaire, a montré un effet symptomatique transitoire, durant deux à trois mois, sans effet secondaire (4).
Enfin, le bénéfice incontestable apporté par l’activité physique n’est pas à négliger. Il a notamment été montré par rapport à une injection IA de placebo (5). Le rapport coût/efficacité est largement favorable.
D’après un entretien avec le Dr Augustin Latourte, hôpital Lariboisière (Paris)
(1) Gerwin N et al. Nature Medicine 2022;28:2633–45
(2) Kim L et al. JAMA 2021;326(20):2021-30
(3) Paskins Z et al. BMJ 2022;377:e068446
(4) Shanahan EM et al. Arthritis & Rheumatology 2023;75(2):201–9
(5) Bandak E et al Ann Rheum Dis 2022;81:537–43
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