Affection rare, l’arthrite septique (AS) sur articulation native constitue une urgence diagnostique, en raison de sa morbimortalité et du risque fonctionnel secondaire aux dommages structuraux. Dans la littérature, le taux de mortalité est non négligeable : il atteint de 5 à 9 %. De plus, une évolution locale défavorable est observée dans 20 à 40 % des cas. Le risque d’arthroplastie du genou, dans les 15 ans suivant une AS, est multiplié par six chez les patients ayant subi un lavage arthroscopique du genou, par rapport à la population générale. Le traitement reste débattu et hétérogène. Les précédentes recommandations françaises datant de 1991, une étude a été lancée en 2019 (1),et menée parallèlement à l’actualisation des recommandations (2). « L’étude nationale multicentrique rétrospective a été lancée à l’initiative de la SFR. Elle a été menée dans les services de rhumatologie français, afin de dresser un état des lieux sur la prise en charge diagnostique et thérapeutique de l'arthrite septique, et d’identifier les éventuels facteurs de risque associés à la mortalité et à une évolution péjorative », déclare la Dr Pauline Richebé, hôpital Bicêtre (Kremlin-Bicêtre), auteur principal de l’étude.
Staphylococcus, agent pathogène le plus fréquent
En 2019, le groupe de travail sur les infections ostéoarticulaires a ainsi contacté 127 services de rhumatologie, pour rapporter chacun jusqu’à 12 cas d’AS sur articulation native (survenus entre janvier 2016 et décembre 2017). Au total, 52 services, également répartis entre CHU et CH, ont participé. Ainsi, 362 patients ont été inclus (âge moyen 64 ± 18,6 ans). Le genou était la localisation la plus fréquente. « L’agent pathogène était une cocci gram + dans 70 % des cas : 51 % de Staphylococcus et 23 % de Streptococcus. Les entérocoques n’étaient présents que dans 7 % des cas, mais leur prévalence augmentait avec l’âge pour atteindre 11 % chez les patients âgés de 70 ans et plus, fait remarquer la Dr Richebé. Quant à la prise en charge, le délai de l’initiation de l’antibiothérapie est long, en moyenne de 21 jours depuis le début de l’apparition des symptômes. L’antibiothérapie est probabiliste dans 36,3 % des cas. Elle est très hétérogène en termes de type d’antibiotique, de durée et de voie d’administration. Au total, 46 % des patients ont eu au moins trois lignes d’antibiotiques et pendant une durée assez prolongée ». En moyenne, la durée d’antibiothérapie était de 46,8 jours (±22), dont 17,2 jours (± 15,4) de voie intraveineuse (IV).
Hémoculture et ponction articulaire
« On sait depuis qu’il est possible de mieux faire. D’après les recommandations, bien qu’il s’agisse d’une urgence diagnostique, on n’est généralement pas à 24 heures près concernant la thérapeutique (sauf en cas de signes précoces de gravité), et l’antibiothérapie ne doit être commencée qu’après les résultats de l’hémoculture et de la ponction articulaire. La durée totale de l’antibiothérapie (IV puis orale) devrait être de quatre à six semaines », souligne la spécialiste.
La ponction articulaire permet de faire un diagnostic différentiel, notamment d’arthrite microcristalline. L’hémoculture est également très importante chez des patients non fébriles : 45 % ont une bactériémie associée. « L’arthrite septique sans fièvre, cela existe ! », précise la Dr Richebé.
Selon les travaux en cours (en attente de publication) de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), la durée d’antibiothérapie en fonction des germes pourrait être de : quatre semaines pour une AS à Streptocoque, six semaines en cas de Staphylococcus aureus et sept jours en présence de Neisseria gonorrhoeae. Dans l’étude, l’avis d’un infectiologue a été demandé dans 75 % des cas. « La question portant sur le raccourcissement, ou non, de la durée de l’antibiothérapie doit être analysée prochainement, dans une étude contrôlée randomisée », ajoute la rhumatologue.
Des facteurs de mauvais pronostic
Concernant la chirurgie, 48 % des patients ont subi une intervention. L’opération la plus fréquemment réalisée était le lavage chirurgical, qu’il faut privilégier par rapport à l’arthrotomie. La prise en charge chirurgicale primaire a été décidée au début du diagnostic chez près de 66 % des patients.
La mortalité à un an était de 9,2 % (dans les trois premiers mois, pour la plupart). Les facteurs associés à la mortalité étaient l’âge avancé, le terrain comorbide, la présence d’une bactériémie, l’utilisation d’antibiotiques dans les trois mois précédents et la présence de Staphylococcus aureus (par rapport à Streptococcus). La guérison complète a été observée chez 55 % des patients. Au total, « 45 % des patients ont eu une évolution défavorable (gêne fonctionnelle, prothèse…), mais aucun facteur n’a été associé à une mauvaise issue articulaire en analyse multivariée ». Enfin, il existe des arthrites septiques à culture négative (6 % dans l’étude). Dans ce cas, seule l’utilisation d’antibiotiques, au cours des trois mois précédents, y était significativement associée.
(1) Richebé P. et al. Management and outcome of native joint septic arthritis : a nationwide survey in French rheumatology departments 2016-2017. Ann Rheum Dis 2022 ;0 :1-10.
(2) Couderc M. et al. Recommandations françaises 2020 sur la prise en chzrge des arthrites septiques sur articulation native de l’adulte. Revue du Rhumatisme 87 (2020) 428-438.
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