Depuis décembre 2015, des cliniciens-chercheurs et des gestionnaires étudient la possibilité de mettre en place un dispositif exceptionnel afin d’accroître la capacité de prise en charge des états psychotraumatiques. Cependant on ne peut pas trouver du jour au lendemain de nouvelles places chez le psychologue ou le psychanalyste. En outre, les thérapies proposées ne s’avèrent pas toujours efficientes. Par exemple, si 2/3 des patients qui ont recours aux thérapies d’exposition (TCC et EMDR) en retirent des bénéfices substantiels, 1/2 est en rechute dans l’année qui suit (1).
Face à la psychothérapie lente et coûteuse, il semble d’emblée commode de prescrire un ISRS aux masses de personnes traumatisées. Pourtant, le psychiatre et le patient hésitent, compte tenu de la lourdeur de ce traitement biologique qui soigne sans vraiment guérir (2,3). Et que faire des patients qui abandonnent leur ISRS dans les 60 premiers jours en raison de nausées, prise de poids, anorgasmie, etc. (1/3 des patients [4,5]).
Tel que le mentionne Alain Fuchs, président du CNRS, dans son appel du 18/12/2015 aux chercheurs, l’ampleur du traumatisme causé par les attentats nous force à chercher des solutions nouvelles…
Mémoire vive
Une tentative en ce sens émane de l’ambitieux projet Paris mémoire vive, financé par les fondations de l’AP-HP et de MSD Avenir. Paris MEM a offert dans 12 hôpitaux de Paris et 4 hôpitaux de province, dont Nice, une formation éclair sur la thérapie dite du blocage de la reconsolidation (6). Cette thérapie translationnelle validée empiriquement (7,8) se base sur l’observation qu’un souvenir remémoré doit être consolidé de nouveau afin de persister (9,10). Une interférence durant le processus de reconsolidation du souvenir, avec une dose de propranolol par exemple, affaiblira sa dimension émotionnelle, tout en laissant intact sa dimension épisodique. Concrètement, ce traitement consiste à se remémorer brièvement son trauma selon un protocole de réactivation établi, sous propranolol, à raison d’une fois/semaine pendant six semaines ; le bêtabloquant n’est prescrit que 60 minutes avant la séance qui se trouve ainsi chimiofacilitée.
Relever une communauté
Les avantages de ce traitement innovant sont substantiels. Tout d’abord, l’intervention ne requiert pas de maîtriser de techniques psychologiques complexes comme la restructuration cognitive ou l’interprétation du symptôme. Le propranolol, un vieux médicament, ne coûte que quelques centimes d’euros. Ses effets secondaires et ses contre-indications sont peu nombreux et bien établis. En outre, le blocage de la reconsolidation peut être utilisé comme traitement principal ou comme adjuvant ; ainsi, il ne requiert pas de la part du clinicien formé à une approche (psychanalyse, TCC) de renoncer à celle-ci.
Il semble que le blocage de la reconsolidation constitue le chaînon manquant entre l’intervention post-immédiate des CUMPS et une prise en charge au long cours (psychothérapique ou pharmacologique) destinée aux seuls cas de stress post-traumatique les plus réfractaires ?
Paris MEM cherche à démontrer qu’il est désormais possible de former, puis de traiter les séquelles psychotraumatiques d’une grande quantité de gens suite à une catastrophe de masse afin d’aider toute une communauté à se relever rapidement. À terme, les données amassées dans le cadre de ce projet, comparées à une intervention classique, informeront de la pertinence de cette intervention innovante de première ligne.
Université MacGill, Montréal, Canada
(1) Bradley R et al. A multidimensional meta-analysis of psychotherapy for PTSD. Am J Psychiatry 2005;162(2):214-27
( 2) Bisson J. Post-traumatic stress disorder. BMJ Clin Evid 2007
(3) Ipser JC, Stein DJ. Evidence-based pharmacotherapy of post-traumatic stress disorder (PTSD). Int J Neuropsychopharmacol 2012;15(6):825-40
(4) Cipriani A et al. Comparative efficacy and acceptability of 12 new-generation antidepressants: a multiple-treatments meta-analysis. Lancet 2009;373(9665):746-58
(5) Westenberg HG, Sandner C. Tolerability and safety of fluvoxamine and other antidepressants. Int J Clin Pract 2006;60(4):482-91
(6) Brunet A, et al. Effect of post-retrieval propranolol on psychophysiologic responding during subsequent script-driven traumatic imagery in post-traumatic stress disorder. J Psychiatr Res 2008;42(6):503-6
(7) Brunet A et al. Randomized Placebo-Controlled Trial of Propranolol plus Traumatic Memory Reactivation for PTSD. In : Proceedings of the Annual Conference of the Society for Biological Psychiatry 2014. New York, NY, États-Unis
(8) Birmes et al. En préparation. Le projet REDUCTRAUMA
(9) Besnard AJ, Caboche, and S. Laroche. Reconsolidation of memory: a decade of debate.Prog Neurobiol 2012;99(1):61-80
(10) Przybyslawski JP, Roullet, Sara SJ. Attenuation of emotional and nonemotional memories after their reactivation: role of beta adrenergic receptors. J Neurosci 1999;19(15):6623-8
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