Entretien avec le Pr Nicolas Georgieff (1)
« QUANTITATIVEMENT, le nombre d’adolescents qui font une analyse est particulièrement faible. C’est une démarche personnelle qui ne peut être ni prescrite, ni imposée. Cela résulte d’un engagement sur le long terme avec une motivation très claire. Il est évident que cela n’est pas le lot commun des adolescents dont beaucoup mettent en général une énergie considérable à éviter la psychiatrie ou à avoir, avec elle, une relation conflictuelle ou discontinue », explique le Pr Nicolas Georgieff, professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent à l’Université Lyon-I et chef de service à l’hôpital du Vinatier. « En revanche, ce qui peut se produire, c’est que des adolescents en grande difficulté, avec des expressions pathologiques diverses, se retrouvent dans des services de pédopsychiatrie où peuvent exercer des analystes », ajoute-il.
Le Pr Georgieff reconnaît que, depuis quelques années, une évolution majeure a traversé le monde de la psychiatrie avec des références plus marquées à la biologie ou aux thérapies cognitives. « Cette évolution a aussi concerné la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. Mais la pédopsychiatrie reste quand même largement marquée par des références à la psychanalyse, à la fois pour des raisons historiques et techniques. La psychanalyse reste un outil très utile pour comprendre l’adolescent qui est en difficulté relationnelle, familiale, conflictuelle avec des comportements pathologiques », indique le Pr Georgieff.
Plusieurs situations peuvent exister.
« Le cas classique, c’est l’adolescence difficile banale. Il s’agit de la famille qui arrive en consultation avec un adolescent, en situation d’épuisement et de conflit permanent. L’analyse clinique ne dévoilera rien d’autre que les aléas de l’adolescence, ce qu’on appelle la "crise de l’adolescence". Sinon, nous pouvons aussi être confrontés à tous les troubles de la personnalité qui se révèlent brusquement à l’adolescence et s’enracinent souvent dans des facteurs génétiques ou une histoire infantile personnelle précoce. C’est dans ce genre de situation qu’on peut avoir ces "états limites". Un autre cas est celui des pathologies narcissiques. Elles concernent des sujets qui ont des difficultés majeures pour nouer des relations de confiance avec autrui, notamment avec les adultes. Ils sont soumis à des angoisses d’abandon ou d’intrusion persécutive massive et ont beaucoup de mal à réguler leurs distances affectives relationnelles avec les adultes ou avec leurs pairs », détaille le Pr Georgieff.
Certains adolescents peuvent aussi présenter un déficit d’estime d’eux-mêmes ou une incapacité à supporter la dépendance à l’autre. « Il s’agit d’une question majeure à l’adolescence. On se retrouve face à des adolescents qui sont malades de leur dépendance à l’adulte. Ils sont pris dans un mouvement d’autonomisation et, en même temps, de tentative de maintien du lien avec l’objet d’attachement », explique le Pr Georgieff.
Face à toutes ces situations, deux types de prises en charge sont possibles. La plus fréquente est l’accueil dans une unité hospitalière de pédopsychiatrie, en hospitalisation ou en ambulatoire. « Ces unités vont pouvoir utiliser les théories psychanalytiques, parmi d’autres, pour comprendre toutes les difficultés interactionnelles de l’adolescent et ses difficultés intimes. Il ne s’agit de faire suivre à ce patient une cure psychanalytique, loin de là, mais d’utiliser cet outil pour comprendre ce qui se passe en lui ou dans ses relations avec sa famille, ses pairs ou les soignants », indique le Pr Georgieff, en précisant que ce travail est mené avec l’adolescent et sa famille. « Cela peut se faire avec des phases de différenciation. Il y a un temps avec l’adolescent seul, un temps avec lui et ses parents et, parfois, aussi, avec les parents seuls. On ne peut pas soigner un enfant, ni un adolescent, sans interagir avec sa famille. Cela ne veut pas dire que la famille est malade mais on la considère quand même comme une réalité indissociable de ce qui arrive à l’adolescent », souligne le Pr Georgieff.
Dans un certain nombre de cas, cette prise en charge hospitalière peut laisser la place à une prise en charge psychothérapique assurée par des thérapeutes privés, dont certains peuvent avoir une formation psychanalytique. « Mais, dans la très grande majorité des cas, la psychanalyse sera surtout pour comprendre. Sauf exceptions, l’adolescent ne va pas faire une analyse classique avec des rendez-vous trois fois par semaine sur le divan. Le plus souvent, il s’agira de psychothérapies en face à face, individuelles ou familiales, une fois par semaine ou tous les quinze jours », indique le Pr Georgieff.
(1) Professeur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescente à l’Université Lyon-I et chef de service à l’hôpital du Vinatier.
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