Le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) persiste et signe : faute de moyens humains et d’une offre de proximité, la consommation de médicaments chez les enfants et adolescents en souffrance psychique augmente. Et d’alerter sur « le risque de substitution des pratiques d’aides psychothérapeutiques, éducatives et sociales par le médicament ». « Les prescriptions “d’attente”, comme solution temporaire pour soulager partiellement les symptômes, (…) “faute de mieux” risquent de devenir une réponse systématique, normalisée, et longue durée », lit-on dans ce nouveau rapport qui se veut un complément de celui de 2023.
Pas question de raviver la polémique ou de sombrer dans la caricature : le Haut Conseil entend surtout alerter les pouvoirs publics sur la dégradation de la santé mentale des enfants et des adolescents, et les crises que traversent la psychiatrie, à la lumière de quelques nouvelles données sur la consommation de médicaments, et des orientations des Assises de la pédiatrie de 2024. « Faut-il le préciser, le Conseil ne remet en cause ni l’utilité des médicaments ni la légitimité des prescriptions, mais plaide pour un rééquilibrage conforme à la plupart des recommandations des autorités de santé », écrit la présidente du Conseil de l’enfance et de l’adolescence du HCFEA et psychologue Sylviane Giampino.
« La question de la prescription de psychotropes aux enfants et aux adolescents n’est pas un problème quand elle est faite dans les règles de l’art, c’est-à-dire généralement pas en première intention, sauf situation urgente, et seulement si elle est accompagnée d’un suivi de qualité », lit-on encore sous la plume de la Dr Amandine Buffière, pédopsychiatre, présidente de la Fédération des centres médico-psycho-pédagogiques (FDCMPP). « En France, les conditions d’un accompagnement psychique de qualité des enfants et des adolescents ne sont pas réunies, et elles s’aggravent, voilà la véritable alarme de ce rapport », résume-t-elle.
Une augmentation des consommations qui se poursuit en 2023
Parmi les 12 contributions qui composent ce rapport, celle de Sébastien Ponnou, professeur des Universités en sciences de l’éducation, responsable scientifique du LabCom Eole (Observatoire épidémiologique et clinique de l’enfant et de l’adolescent), actualise les chiffres sur les consommations médicamenteuses à partir du système national de données de santé (SNDS).
La prévalence de la consommation de médicaments psychotropes chez les 3-17 ans est passée de 3,25 % en 2011 à 3,94 % en 2023. Cette année-là, elle est de 3,22 % chez les 6-11 ans, et de 5,49 % chez les 12-17 ans. Soit un total estimé à 486 220 enfants en 2023, est-il précisé.
Entre 2010 et 2023, le nombre de délivrances par an et par patient augmente pour les hypnotiques (+ 137 %), les antidépresseurs (+ 88 %), les antiépileptiques (+ 62 %), les neuroleptiques (+ 50 %) et les psychostimulants (+ 40 %). Les polyprescriptions sont fréquentes, alors que les effets sont peu étudiés chez l’enfant, de même que ceux d’une consommation à long terme, est-il déploré. Les auteurs dénoncent aussi en particulier une consommation élevée de psychotropes chez les jeunes autistes : de 31,8 % en 2010 à 36,8 % en 2022. Et des inégalités sociales : 30 % des enfants ayant reçu au moins un psychotrope vivent dans des conditions défavorables.
Le cas du méthylphénidate dans le TDAH est mis en avant comme représentatif des dérives des prescriptions : l’augmentation de la consommation (de 116 % entre 2010 et 2019, chiffre déjà donné dans le rapport de 2023) « se double d’une mise à mal des recommandations : prescriptions avant l’âge de 6 ans ; durées de traitement particulièrement longues (5,5 ans et jusqu’à 8 ans pour les enfants de 6 ans en 2011) ; coprescriptions nombreuses d’autres médicaments psychotropes, souvent réservés à l’adulte ; non-respect des conditions réglementaires qui jusqu’en 2021, rendait l’initiation obligatoire en milieu hospitalier » et « substitution des pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales de première intention par la prescription médicamenteuse seule ».
Des efforts insuffisants pour répondre aux besoins
Par ailleurs, en 2022, 72 % des médicaments psychotropes destinés à l’enfant sont prescrits par des médecins généralistes, 9 % par des psychiatres et pédopsychiatres et 7 % par des pédiatres.
Des chiffres qui reflètent la crise de la pédopsychiatrie et de la prévention (à travers les PMI, les maisons des adolescents, etc.), évoquée dans les autres contributions. « Des protocoles de dépistage se développent, mais pour les familles ou les professionnels qui repèrent des difficultés chez un enfant, le manque d’offre à proximité et les délais d’attente retardent ou empêchent l’accompagnement de soin sous une forme adaptée à chaque enfant », dénonce Sylviane Giampino. Alors que la santé mentale est la grande cause 2025, la psychologue appelle à un « réveil des pouvoirs publics et une dotation de moyens humains, et de formation et de recherche ».
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