Le nalméfène (Sélincro).
Cet antagoniste des récepteurs mu et delta des opiacés et agoniste partiel des récepteurs kappa a été évalué par trois études internationales qui présentent deux originalités par rapport aux études habituelles chez les patients alcoolodépendants :
- le critère principal de jugement n’est pas l’abstinence, mais la réduction de consommation appréciée par le nombre de jours de forte consommation et la quantité moyenne d’alcool par jour
;
- la prise de ce médicament n’est pas systématique, elle peut se faire « si besoin », un comprimé les jours où le patient perçoit un risque de consommer ;
Dans les études Esense 1 et 2, la réduction sur ces deux critères a été significative par rapport au placebo après six mois de suivi. Les patients ayant une consommation à risque élevé (homme [H] 60-100 g/j, femme [F] 40-60 g/j) ou très élevé (H› 100 g/j, F› 60 g/j) avaient de meilleurs résultats que la population totale (cf tableau). Ces patients constituent la population cible de l’AMM.
Le nalméfène.
Il contribue à réduire le niveau de risque des consommations :
- 43 % des patients traités contre 32 % sous placebo (p ‹ 0,001) ont réduit leur consommation d’alcool jusqu’à la catégorie à faible risque (H ≤ 40 g/j ; F ≤ 20 g/j)
- 57 % des patients traités contre 42 % sous placebo (p ‹ 0,001) ont réduit leur consommation d’au moins deux catégories de risque.
La molécule est bien tolérée. Les effets indésirables, un peu plus fréquents que sous placebo, ont été d’intensité légère ou modérée et transitoire. Les plus fréquents étant les vertiges, nausées, vomissements, céphalées, fatigue, insomnie. Des états confusionnels et rarement des hallucinations ont été rapportés. Il n’y a pas eu plus d’effets indésirables graves sous nalméfène que sous placebo.
Le baclofène (Liorésal, Baclofène Zentiva).
Agoniste du récepteur GABA-B, le problème de cette molécule est la faiblesse des données scientifiques comparée à une prescription large en routine.
Les rares études contrôlées contre placebo ont concerné un petit nombre de patients, pendant des durées courtes (1 à 3 mois) et avec des posologies faibles (30 mg/j). Une méta-analyse récente portant seulement sur 203 patients inclus dans 3 études montre une augmentation du taux d’abstinence chez les patients sous baclofène par rapport au placebo (+ 179 % d’abstinents - OR = 2,79 IC 1,79 ; 4,34). Mais le niveau de preuve est faible du fait des modalités de réalisation de ces études ce qui ne permet pas de tirer des conclusions définitives sur son rapport bénéfice/risque en utilisation pratique.
Les résultats à 2 ans d’une cohorte de 100 patients traités à une posologie moyenne, élevée, de 147 mg/j montrent qu’à 3 mois, 84 % des patients avaient une consommation à risque faible ou modéré. Ce taux à 1 et 2 ans était respectivement de 63 et 62 %. Ce type d’étude n’est pas contrôlé. En cas de troubles psychiatriques associés, l’efficacité semble moindre.
Les événements indésirables sont fréquents, habituellement bénins et d’intensité modérée. Un certain nombre d’effets graves ont cependant été rapportés en pharmacovigilance. Parmi les plus cités : effets sédatifs aggravés par l’alcool et les médicaments psychotropes (fatigue, somnolence, troubles mnésiques, confusion), vertiges, céphalées, paresthésies, acouphènes, crises d’épilepsie, troubles digestifs, épisodes dépressifs ou maniaques, prise de poids…). L’arrêt brutal peut provoquer un syndrome de sevrage.
Deux études françaises sont en cours d’analyse. Multicentriques, randomisées en double aveugle, elles comparent l’efficacité et la tolérance du baclofène au placebo. L’essai Bacloville, mené en médecine générale et en centres de soins d’accompagnement et de prévention en addictologie en ambulatoire (CSAPA), a comme critères de jugement l’abstinence ou la réduction de consommation à 1 an. L’essai Alpadir, réalisé en structures addictologiques évalue l’abstinence à 6 mois.
L’oxybate de sodium (GHB) est un agoniste du récepteur GABA-B. Une méta-analyse a revu 7 essais pour un total de 362 participants, les études n’ayant inclus que peu de patients ce qui rend, là encore, les conclusions fragiles. Le GHB s’est montré supérieur au placebo sur le taux d’abstinence (RR = 5,35, IC 1,28-22,4 – le calcul n’a porté que sur deux études), les rechutes (RR = 0,36, IC 0,21-0,63), la consommation contrôlée (RR = 2,13, IC 1,07-5,54) et le nombre de verres par jour (RR =-4,60, IC -6,18 à -3,02). Le GHB a fait mieux que la naltrexone et le disulfirame sur l’abstinence.
Le GHB est aussi connu comme drogue récréative. Les études et les expériences italienne et autrichienne, pays où il est déjà commercialisé dans le traitement de l’alcoolodépendance, font état d’un risque faible de développer des comportements addictifs dans un cadre de prescription prudent. Ce point devra être précisé dans les études à venir. Une étude internationale d’efficacité et de tolérance versus placebo, menée avec une forme solide, est en cours d’analyse.
Leone MA et al. Gamma-hydroxybutyrate (GHB) for treatment of alcohol withdrawal and prevention of relapses. Cochrane Database Syst Rev 2010 ;2,CD006266
Lesouef N et al. Efficacy of baclofen on abstinence and craving in alcohol-dependent patients: a meta-analysis of randomized controlled trials. Thérapie 2014 ;69:427-35
Paille F et al. Nalmefene: a new approach to the treatment of alcohol dependence. Subst Abuse Rehab 2014; 5:1-8
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