Entretien avec Florent Perin-Dureau (1)
Début 2012, l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) a publié un important travail en collaboration avec la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM) sur les benzodiazépines. Ce rapport analyse l’évolution des consommations entre 2000 et 2010 et dresse un panorama de l’utilisation, aujourd’hui, des benzodiazépines en France. Il a été actualisé à l’automne 2013. Que montre-t-il ? « La tendance de consommation n’a pas beaucoup changé. Malgré les diverses mesures mises en œuvre depuis 2000 pour favoriser le bon usage, deux gros problèmes persistent. Trop de prescriptions –134 millions de boîtes, un français sur cinq chaque année–, trop prolongées, la durée médiane de traitement étant de 7 mois », résume Florent Perin-Dureau (ANSM).
La consommation en benzodiazépines anxiolytiques a néanmoins un peu reculé : moins 1,8 % par an depuis 2002 ; mais elle tend à repartir à la hausse depuis 2010. Quant aux benzodiazépines hypnotiques et apparentées, elles sont restées stables. Et certaines benzodiazépines ont été davantage prescrites hors AMM. En particulier, le clonazépam (Rivotril) et tétrazépam (Myolastan) avaient progressé de 4 – 5 % par an. Le tétrazépam était d’ailleurs, avant son retrait récent, par l’EMEA (pour toxicité cutanée), la benzodiazépine la plus prescrite en France.
Or aujourd’hui, l’analyse des délivrances sur 6 ans montre un nombre inquiétant d’utilisateurs quasi à vie. Près de 15 % des consommateurs n’ont pas interrompu le traitement 6 ans d’affilée (16 % pour les anxiolytiques et 17 % pour les hypnotiques). Et la consommation est particulièrement inquiétante chez les femmes âgées. Globalement, elles sont les premiers consommateurs de benzodiazépines. Un tiers des Françaises de plus de 65 ans consomment des anxiolytiques. Force est de reconnaître que le message n’est pas suffisamment passé.
Faut-il mettre en place de nouvelles mesures réglementaires ? Informer davantage les consommateurs ? La primoprescription du clonazépam (Rivotril) a été restreinte aux neurologues et pédiatres, en adéquation avec l’indication particulière de cette benzodiazépine (épilepsie). La firme qui produit le flunitrazepam (Rohypnol) a par ailleurs arrêté sa commercialisation en France. Mais cela est insuffisant si la question du mésusage est abordée dans sa globalité.
D’autres pistes sont donc explorées. Notamment, une campagne d’information visant le grand public, de type « les antibiotiques, c’est pas automatique », une prescription sur ordonnance sécurisée élargie à toutes les benzodiazépines, et une réduction des quantités délivrées (taille des boîtes).
« On doit faire passer deux messages. Primo, le rapport bénéfice / risque reste favorable pour un certain nombre de patients, mais la primo prescription nécessite d’être mûrement réfléchie. Secundo, la prescription doit être courte, limitée dans le temps, en raison de l’échappement et du risque d’installation, assez rapide, d’une accoutumance, et réévaluée régulièrement », souligne Florent Perin-Dureau.
(1) Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé
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