Avec une incidence de 13 %, chiffre issu d’une mita analyse de 1996 prenant en compte les dépressions survenant dans l’année suivant l’accouchement (O’Hara 1 996), la dépression du post-partum est l’une des complications les plus fréquentes survenant dans les suites d’un accouchement. Le premier et le plus important pic d’incidence se situent entre la 4e et la 6e semaine suivant l’accouchement, le second entre le 6e et le 8e mois. Les classifications internationales retiennent toutefois des délais plus courts pour qualifier la dépression de postnatale : moins de six semaines après l’accouchement selon les critères européens (CIM-10) et moins de quatre semaines selon les critères américains (DSM IV-R).
Signes cliniques
Cliniquement, la dépression du post-partum se manifeste par un tableau classique de dépression avec toutefois certaines spécificités, irritabilité, voire une véritable agressivité pouvant masquer la tristesse, aggravation vespérale des symptômes, anxiété souvent au premier plan concernant la santé du bébé, perte d’estime du maternage. « Ce sont ainsi parfois les pédiatres, explique le Pr Caroline Dubertret, qui sont amenés à diagnostiquer ces dépressions. Ce d’autant que la dépression maternelle perturbe les interactions précoces et a donc des répercussions sur l’enfant ; ces femmes figées, ralenties, expriment peu d’émotions gratifiantes pour l’enfant, communiquent peu avec lui. Les enfants présentent plus souvent que les autres des troubles du sommeil, des difficultés d’alimentation, un eczéma. Ainsi se crée un cercle vicieux : ces enfants difficiles renforçant chez leur mère le sentiment de ne pas être capable d’être une « bonne mère ». » Le diagnostic est souvent difficile à porter car la tristesse est fréquemment masquée et beaucoup de ces femmes ne se plaignent pas. Dans la moitié des cas, cette dépression guérit spontanément dans l’année mais le risque de récidive lors d’une grossesse suivante est supérieur à 25 %. La dépression du post-partum est peu diagnostiquée et prise en charge, malgré ses conséquences délétères pour la mère, et surtout pour le développement cognitif, émotionnel et social des enfants.
Facteurs de risque et signes d’alerte
La prévention de ces dépressions repose sur le repérage des facteurs de risque et des signes d’alerte au cours de la grossesse. Ces facteurs de risque sont d’abord des facteurs de vulnérabilité génétique à la dépression et il est important de rechercher un antécédent de dépression lors d’une grossesse précédente, des antécédents familiaux de dépression sévère ou encore l’existence pendant la grossesse de manifestations anxieuses ou dépressives car 20 à 40 % des dépressions qui ont débuté en anténatal se poursuivent après l’accouchement. Autre signe d’alerte clinique relevé à la maternité : la sévérité du baby blues qui peut inciter à revoir la femme après la sortie de la maternité. Interviennent également, comme dans la dépression classique, des facteurs socio-économiques (chômage, faible revenu, faible niveau d’éducation), des facteurs psychosociaux (mésentente conjugale, décès, divorce, abus sexuel dans l’enfance), ainsi que des facteurs gynéco-obstétricaux (grossesse antérieure ou actuelle difficile, césarienne non programmée, accouchement en urgence). « L’entretien du 4e mois, souligne C. Dubertret, pourrait permettre de repérer ces facteurs de risque mais cet entretien est loin d’être la règle car les maternités voient souvent les femmes plus tardivement dans la grossesse. Les réseaux périnataux qui regroupent des sages femmes, des obstétriciens, des pédopsychiatres, des assistantes sociales de secteur, constituent un mode d’organisation efficace pour le repérage des femmes à risque avant la venue à la maternité ; dans le cadre ou en dehors de ces réseaux, les gynécologues de ville et les médecins généralistes qui sont nombreux à suivre les grossesses ont un rôle essentiel à jouer dans ce dépistage précoce. »
Des outils ont été développés pour faciliter le repérage de la dépression du post-partum. Ainsi l’Edinburgh Postnatal dépression scale, un auto questionnaire en 10 items utilisable en ville comme à la maternité, permet de caractériser une dépression probable. « Ce type d’outil n’est pas encore suffisamment utilisé actuellement alors qu’il possède une bonne sensibilité et spécificité, et qu’il est bien accepté tant par les utilisateurs, médecins et sage-femme, que par les femmes », note Caroline Dubertret.
Pour les femmes à risque, certaines maternités, comme celle de l’hôpital Louis Mourier, offrent la possibilité d’un séjour prolongé jusqu’à trois semaines après l’accouchement pour évaluer les symptômes de la mère et ses interactions avec le bébé et organiser le cas échéant pour le retour à la maison des visites à domicile ou un suivi psychiatrique. De nombreuses études ont montré que les interventions auprès des femmes à risque, qu’elles soient de nature psychologique ou psychosociale, sont plus efficaces lorsqu’elles sont réalisées en postnatal plutôt qu’en anténatal et de façon individuelle plutôt que collective.
Enfin, considérant le risque de récidive de cette dépression, deux études ont évalué l’impact d’un traitement antidépresseur donné immédiatement après l’accouchement chez des femmes qui avaient un antécédent de dépression du post-partum. Leurs résultats n’ont pas été concluants.
« La dépression du post-partum, observe le Pr Dubertret, est peu diagnostiquée et prise en charge, malgré ses conséquences délétères pour la mère, et surtout pour le développement cognitif, émotionnel et social des enfants. Cette pathologie représente ainsi un enjeu majeur de santé publique pourtant peu considéré aujourd’hui. Les facteurs de risque nécessitent d’être mieux compris et connus afin d’améliorer le repérage et la prise en charge. »
D’après un entretien avec le Pr Caroline Dubertret (psychiatre, hôpital Louis Mourier, Colombes)
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