Alors que le gouvernement a fait savoir sa volonté de revenir sur le dispositif d'irresponsabilité pénale, en réaction à l'« affaire Sarah Halimi », plusieurs syndicats de psychiatres s'inquiètent des amalgames entre folie et dangerosité et réaffirment l'importance de la valeur du soin.
Les mots sont prudents et les professionnels de la psychiatrie savent que leur point de vue peut sembler contre-intuitif ; ils savent que « les crimes commis par des personnes souffrant de troubles psychiques suscitent souvent colère et indignation quand une irresponsabilité pénale est prononcée », écrivent dans un communiqué commun, le Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), l'Intersyndicale de défense de la psychiatrie publique (IDEPP), le Syndicat des psychiatres d'exercice public (SPEP), l'Union syndicale de la psychiatrie (USP), ainsi que l'Union syndicale des magistrats (USM).
Quel apaisement à exiger une responsabilité introuvable
Néanmoins, ils rappellent que pour satisfaire à une demande de procès légitime, la loi du 25 février 2008 organise au sein de la chambre d'instruction, une audience publique et contradictoire, qui permet de qualifier les faits et de reconnaître les victimes, tout en exposant les motifs de la décision d’irresponsabilité pénale. Auparavant, l'irresponsabilité pénale était simplement constatée par le juge d'instruction qui prononçait une ordonnance de non-lieu.
Surtout, les professionnels de la psychiatrie et de la justice rappellent le principe à l'origine de l'irresponsabilité pénale : « Les malades mentaux sont avant tout malades, la folie existe et la société se doit de leur garantir un accès aux soins dont ils ont besoin. » Et de préciser : « La société ne trouvera pas plus d’apaisement en continuant à chercher un responsable devant toute horreur alors que, hélas, il n’y en a parfois pas. » Le rapport, que les deux anciens avocats et députés Dominique Raimbourg et Philippe Houillon viennent de rendre au garde des Sceaux, rappelle en effet que le principe d'irresponsabilité pénale pour trouble mental est très ancien (on le retrouve dans le droit romain au IIe siècle, mais aussi sous Louis XIV et dans le Code pénal napoléonien de 1810) et partagé aujourd'hui par la majorité des démocraties modernes.
« Si un débat sur l’article 122-1 du Code pénal devait avoir lieu, il doit être apaisé et éclairé, notamment par le rapport Houillon-Raimbourg », poursuit le communiqué des psychiatres et magistrats. Pour rappel, ce rapport recommande de ne pas toucher à cet article qui stipule « que n'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte au moment des faits d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ».
Y compris lorsqu'il y a consommation de toxique ou rupture de traitement psychotrope. « Pour être responsable et déclaré coupable d'un crime, il faut avoir l'intention de le faire. Il ne faut pas toucher à ce principe car on remettrait en cause l'ensemble de l'analyse du droit pénal. [Si l'on tient compte de la prise volontaire de toxiques], cela va entraîner des discussions interminables : est-ce qu'il y avait une maladie mentale antérieure, sinon est-ce qu'il avait un terrain, qu'en est-il des malades qui prennent des toxiques pour se soulager… On va déplacer le centre de discussion de l'irresponsabilité vers les conditions de prise de toxique. On n'éclaircira rien et on risque de faire plus de mal que de bien », a explicité Dominique Raimbourg à l'AFP.
Du problème de l'enfermement de la pathologie psychiatrique en prison
Enfin, les psychiatres observent que « la tendance actuelle fait qu'aujourd'hui en France, de plus en plus de malades mentaux emplissent nos prisons, souvent sans signification pour eux, tant leur état atteint leur conscience et leur libre arbitre ». Les déclarations d'irresponsabilité pénale (conduisant l'auteur d'un crime à l'hôpital, plutôt qu'en prison) sont peu nombreuses : en 2018, on en a recensé 326, pour 20 166 décisions de renvoi devant des tribunaux et cour d'assises, a ainsi précisé Dominique Raimbourg.
Et les organisations syndicales de déplorer que l'accès aux soins pour ces malades reste absent ou insuffisant. Un constat partagé par ailleurs par l'Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) qui voit dans la « folie incarcérée, une impasse » et dans la possibilité d'envisager une irresponsabilité pénale, la garantie de faire du sujet malade un sujet de droit.
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