Aspergillose chronique pulmonaire

Une maladie à mieux connaître

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Publié le 14/02/2019
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Aspergillose chronique pulmonaire

Aspergillose chronique pulmonaire
Crédit photo : PHANIE

L’aspergillose chronique pulmonaire, infection par un champignon de la famille aspergillus (espèce A. Fumigatus, 90 % des cas, rares A. Flavus et A. Niger) est une maladie grave méconnue de l’adulte associée à 33 % de mortalité à 5 ans, et 50 % à 10 ans. Évaluée en France à 5,24/100 000 habitants (1), sa prévalence est probablement sous-estimée. Des recommandations internationales sur le diagnostic (clinique, radiologique et microbiologique) et la prise en charge de cette affection ont été publiées en 2016 (2).

En France deux types de populations sont particulièrement susceptibles de développer une aspergillose pulmonaire chronique. Ce sont les jeunes originaires d’Afrique subsaharienne avec antécédent de tuberculose, les sujets plus âgés avec cavités résiduelles pulmonaires séquellaires (emphysème, BPCO, sarcoïdose, tuberculose, polyarthrite rhumatoïde, antécédent de pneumothorax ou de chirurgie thoracique, etc.), mais aussi tous les patients qui reçoivent une corticothérapie au long cours y compris par voie inhalée pour une maladie chronique. « Chez ces patients, une toux, une perte du poids, une fébricule, et surtout une hémoptysie même de faible abondance doivent faire pratiquer une imagerie thoracique – et au mieux par scanner, à la recherche de signes d’une aspergillose pulmonaire chronique, et adresser le malade au pneumologue si elle est anormale », souligne le Pr Cadranel.

Le diagnostic repose sur un faisceau d’arguments radiologiques (une ou plusieurs cavités à paroi épaissie avec ou sans "balle" fongique) et mycologiques (mise en évidence d’Aspergillus dans les crachats) ou immunologiques (présence d’IgG anti-Af), la notion d’évolutivité des lésions depuis au moins 3 mois, après exclusion des diagnostics différentiels (cancer, tuberculose évolutive…).

Le but du traitement est de limiter la destruction pulmonaire, l’évolution vers une aspergillose pulmonaire fibrosante chronique et les hémoptysies. « Un jeune originaire d’Afrique subtropicale qui crache du sang a la tuberculose. S’il l’a déjà eu, il a une aspergillose. Dans les 2 cas, c’est une urgence, car l’hémoptysie peut être massive ! », invite à retenir le spécialiste.

Attention aux corticoïdes

La prise en charge d’un malade atteint d’aspergillose est complexe. Le traitement des hémoptysies fait appel aux procédures endovasculaires ; celui de l’aspergillose à la chirurgie d’exérèse curative quand elle est possible et/ou un traitement antifungique systémique palliatif de 6 voire 12 mois. Les antifungiques (itraconazole et voriconazole en premier lieu…) imposent la surveillance régulière des concentrations sériques en azolés et une grande vigilance face au risque d’interactions médicamenteuses (inductions enzymatiques, allongement du QT). Leur toxicité est principalement hépatique (hépatite), cutanée (photosensibilité avec possible érythème sévère, voire toxidermie bulleuse essentiellement avec le voriconazole) et neurologique (neuropathies périphériques difficiles à traiter chez un patient souvent alcoolo tabagique et dénutri).

Enfin la prise en charge inclut la remise en condition du patient (renutrition, réhabilitation respiratoire, la lutte contre les facteurs de risque, essentiellement tabagisme), le traitement des comorbidités (alcoolisme, diabète) et des pathologies pulmonaires sous-jacentes.

Retenons avec le Pr Cadranel « L’importance chez ces patients, d’éviter toute corticothérapie orale ou inhalée intempestive (par exemple pour une BPCO en dehors des recommandations GOLDE et des AMM). Facteur de risque d’aspergillose, elle expose aussi les malades traités par azolés à l’insuffisance surrénalienne, voire à l’insuffisance cardiaque ».

(1) Gangneux JP. et al., J Mycol Med 2016;26(4):385-390
(2) Denning DW et al., Eur Respir J 2016;47(1):45 68

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9724