« Chez tous les patients, il faut rechercher à l’interrogatoire la notion d’un cas familial de pneumopathie interstitielle diffuse (PID) chez les apparentés de premier degré, et ne pas se limiter aux formes idiopathiques. Il faut également rechercher des signes extrarespiratoires, pouvant faire évoquer une téloméropathie. Enfin, chez tous les patients développant une fibrose pulmonaire idiopathique (FPI) avant l’âge de 50 ans, on doit systématiquement faire une recherche génétique, que l’on identifie, ou non, des cas apparentés ou des signes évocateurs de téloméropathie », résume le Pr Bruno Crestani (CHU Bichat, Paris).
20 % de téloméropathies
Les téloméropathies sont une dysfonction du système qui maintient la longueur des télomères, répétition de nucléotides située à l’extrémité des chromosomes, qui les protège du vieillissement. Cela est causé par des mutations des gènes codant pour des composants du complexe télomérase. « Or, ces mutations, qui s’expriment chez certains par une fibrose, peuvent aussi, chez le même sujet ou ses apparentés, être à l’origine d’anomalies extrarespiratoires. Il s’agit notamment d’anomalies cutanées de type dyskératose, des fibroses hépatiques cryptogéniques et d’anomalies hématologiques, parmi lesquelles des aplasies médullaires, des syndromes myéloprolifératifs, des thrombopénies, et des macrocytoses inexpliquées. Résultat, si ce type d’anomalie est retrouvé chez un patient porteur de FPI ou chez ses apparentés, il faut systématiquement évoquer une téloméropathie », précise le Pr Crestani.
Trois gènes sont aujourd’hui impliqués dans les fibroses pulmonaires idiopathiques associées aux téloméropathies : TERT, TERC et RTEL1. « Les mutations sur ces trois gènes rassemblent à elles seules près de 20 % des formes familiales de fibroses pulmonaires idiopathiques », souligne le Pr Crestani.
Anomalies du surfactant
« À côté des télomères, certaines formes familiales sont liées à des anomalies du surfactant », note le Pr Crestani. Elles s’observent surtout chez des sujets jeunes. Ces fibroses sont liées à des mutations des gènes contrôlant la synthèse du surfactant pulmonaire, notamment SFTPC, SFTPA et ABCA3.
« Dans ces fibroses, liées à un problème de surfactant, les corticoïdes et les macrolides ont montré un certain bénéfice en pédiatrie. Des études sont donc en cours aujourd’hui pour tester leur intérêt chez l’adulte », précise-t-il.
Dans certaines de ces mutations, les phénotypes sont d’expression variés. Ainsi, on observe des associations familiales de cancer bronchiques et de FPI en cas de mutation de SFTPA2.
Information, dépistage familial et prise en charge
Une fois le diagnostic de fibrose pulmonaire familiale posé, que faire ? Le patient doit être informé du caractère génétique de sa maladie. « On lui propose alors un dépistage familial chez les apparentés du premier degré. Mais c’est à lui de décider de communiquer, ou pas, cette information à sa famille et de mettre en route le processus », souligne le Pr Crestani.
« L’identification des porteurs va permettre de les conseiller, afin de réduire les facteurs de risque au premier rang desquels le tabac, mais aussi tous les facteurs d’agression du système pulmonaire », complète le Pr Crestani. Il permet aussi de suivre et de diagnostiquer plus précocement la maladie.
Quant au pronostic de ces formes familiales, il est encore mal connu. L’évolution semble toutefois assez superposable à celles des formes non mutées. On note cependant, dans une étude française récente, un plus grand nombre de complications hématologiques après greffe pulmonaire, dans les FPI associées aux mutations de TERC et TERT.
Enfin, on ne sait pas si la pirfénidone (Esbriet), qui ralentit le déclin de la fonction respiratoire des patients atteints de FPI légère à modérée (CVF ≥ 50 % de la valeur théorique ; DLco ≥ 35 %) est aussi efficace dans les formes mutées ou non. Mais l’arrivé de thérapeutiques capables de ralentir le déclin respiratoire et réduire les exacerbations majore encore l’intérêt du dépistage des formes familiales.
Entretien avec le Pr Bruno Crestani (CHU Bichat, Paris)
(1) Recommandations pratiques pour le diagnostic et la prise en charge de la fibrose pulmonaire idiopathique. Revue des Maladies Respiratoires 2013;30:879-902
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