Deux d’études dédiées au bilan du dépistage du cancer pulmonaire aux États-Unis ont été publiées dans le Jama. Elles abordent deux problématiques importantes : la place des radiothérapeutes dans la prise en charge au sein des programmes dédiés (1,2) et les différences d’accès au dépistage en fonction de l’état de santé et l’ethnie (3).
Certes, l’accès aux soins diffère largement d’un côté à l’autre de l’Atlantique. Mais, en l’absence de dépistage organisé en France — hors les programmes pilotes qui viennent d’être relancés — il y a fort à parier que les disparités d’accès ne diffèrent pas tant. C’est en tout cas ce que suggèrent les observations réalisées en France avant l’organisation des dépistages des cancers du sein et du cancer colorectal ainsi que, dans une moindre mesure, après l’organisation de ces dépistages, au vu de la persistance d’importantes disparités.
Il y a donc probablement, au-delà les différences notables entre nos systèmes de soins, nombre d’enseignements à tirer de ces observations.
Plaidoyer pour l’intégration des radiothérapeutes
Vieillissement aidant et accès au scanner s’élargissant, le nombre de nodules pulmonaires découverts de manière incidente et/ou au sein d’un programme de dépistage va croissant. Dans ce contexte, vu le risque de surtraitement potentiellement lié, on peut se demander quelle place attribuer dans ces programmes aux radiothérapeutes spécialisés.
Afin de l’ausculter, une étude prospective monocentrique a été menée sur plus de 1 100 patients (1). Ces sujets ont 66 ans d’âge médian, 58 % sont de femmes, 90 % sont blancs non hispaniques et 73 % sont/étaient fumeurs. Au total, un cinquième ont été adressés pour un nodule incident (taille supérieure ou égale à 6 mm), les quatre cinquièmes pour dépistage (antécédent de plus de 30 paquets années). Comment s’est passée leur prise en charge ultérieure ?
Parmi les patients porteurs de nodule(s), 17 % relevaient d’un traitement. Une chirurgie a été pratiquée dans 76 % des cas, une radiothérapie dans 25 % des cas. Celle-ci porte sur des sujets plus âgés (74, vs 68 ans) et ayant plus souvent des antécédents tabagiques (96 vs. 77 %). Elle a été bien tolérée. Au sein des sujets traités par radiothérapie, 83 % étaient à haut risque de cancer (biopsie positive). Leur prise en charge a été discutée en réunion multidisciplinaire.
Après radiothérapie, tous les sujets ont été revus tous les deux ans. À deux ans, 94 % n’avaient de métastase.
Cette étude montre que, globalement, un quart des patients au sein d’un programme de dépistage auront besoin d’une radiothérapie. Comme l’explique l’éditorial (2), « le dépistage bénéficierait probablement de l’intégration de radiothérapeutes aux équipes. Il serait déjà judicieux, a minima, de leur réserver une place à la table des réunions multidisciplinaires. »
Être en mauvaise santé maximise les chances d’être dépisté
L’autre étude, menée en population dans 28 États américains, montre que la mise en place des recommandations de dépistage chez les sujets à risque est marquée d’un important décalage entre ceux qui y ont participé et ceux qui auraient dû en bénéficier le plus (3). Autrement dit, et cela n’est pas une première, les sujets chez lesquels le dépistage est le plus payant ne représentent pas le groupe plus dépisté. D’autres facteurs ont manifestement pesé dans la balance. Les sujets en mauvaise santé ont très largement – voire trop – bénéficié de ce dépistage, quand les noirs non hispaniques, chez lesquels le bénéfice attendu est majeur, n’en ont pas assez bénéficié.
L’analyse part d’une série d’enquêtes téléphoniques conduites par le US center for disease control and prevention. Entre 2017 et 2020, plus de 400 000 entretiens téléphoniques ont été réalisés chez les plus de 50 ans du district de Columbia, plus trois autres territoires, pour explorer les comportements associés à la santé et à l’utilisation des services de santé. Parmi ceux-ci, on avait près de 150 000 réponses de sujets de 55 à 79 sans antécédents de cancer avec des antécédents de tabagisme renseignés. Dont près de 10 %, soit 14 800 personnes, étaient éligibles au dépistage (âge, antécédents tabagiques a minima 30 paquets-année). La moitié avaient plus de 65 ans, 45 % étaient des femmes et 88 % sont des blancs non hispaniques.
Mais seuls 17 % de ces sujets éligibles ont bénéficié d’un scanner pulmonaire de dépistage. L’ethnie ne module pas énormément l’accès au dépistage, mais les noirs non hispaniques y ont eu relativement moins accès que les blancs non hispaniques. Par ailleurs, les sujets en mauvaise santé — au moins trois comorbidités — ont été trois fois plus dépistés (RR = 2,75 [1,7-4,5]) que ceux en bonne santé, alors qu’ils bénéficieront relativement peu du dépistage… Bref, celui-ci rate en partie sa cible, puisque les sous-groupes qui en bénéficieraient le plus sont relativement sous représentés.
(1) AS Rustagetal. Likelihood of lung cancer screening by poor health status and race and ethnicity in US adults, 2017 to 2020.JAMA Network Open. 2022;5(3):e225318
(2) MG Milligan et al. Incidence of radiation therapy among patients enrolled in a multidisciplinarypulmonary nodule and lung cancer screening clinic. JAMA Network Open. 2022;5(3):e224840
(3) ND Arvold. Involvement of radiation oncologists in multidisciplinary decision-making for early-stage lung cancer. JAMA Network Open. 2022;5(3):e224849
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