Il y a quelques mois, la publication des résultats très positifs de la première série mondiale de greffe de trachée a été très largement saluée. Un succès obtenu au terme de plus de 20 ans de recherche pour mettre au point un greffon innovant : une bioprothèse constituée de tissu aortique (issu d’une biobanque) rigidifiée dans un premier temps par un stent, sur lequel est appliqué un lambeau musculaire pour promouvoir la néovascularisation. Aucun traitement immunosuppresseur n’est nécessaire et, lorsque la néotrachée s’est développée, le stent est enlevé.
Régénération de l’épithélium respiratoire
Sur les 20 patients sélectionnés dans le cadre de cette étude pilote, 13 ont bénéficié de la greffe, les autres ayant finalement pu être opérés de façon plus classique : 5 pour lésions trachéales, 7 en alternative à la pneumonectomie et un patient pour une lésion touchant la carène, décédé dans les 90 jours (décès non lié à la greffe). Dans ce délai de suivi, aucun décès ou effet secondaire sévère lié à la greffe n’a été rapporté.
En moyenne, le stent a pu être retiré 18 mois après la greffe. Sept ans plus tard, 10 patients étaient toujours en vie, dont 8 respirant de façon tout à fait normale par la néotrachée.
Cette étude de faisabilité a confirmé la régénération d’un épithélium respiratoire qui avait été observée dans des modèles animaux. Les cellules épithéliales sont venues remplacer l’allogreffe par migration et expansion à partir du tissu adjacent, avec formation de néocartilage.
Les indications se précisent
Le développement se poursuit, avec la validation, début février, du protocole d’une étude observationnelle. « Une vingtaine de patients sont en attente de cette greffe, en France et à l’étranger, rapporte le Pr Emmanuel Martinod, chirurgien à l’origine de la technique. Nous allons également préciser ses champs d’action, indication par indication».
Les indications potentielles sont toutes les lésions trachéales – malignes et bénignes – étendues en impasse thérapeutique, les lésions bronchiques en alternative à la pneumonectomie, les tumeurs volumineuses de la carène. « Plusieurs centres en France mais aussi aux Etats-Unis et Chine, souhaiteraient notamment proposer cette technique à leurs patients ayant avec un cancer étendu de la thyroïde », poursuit le Pr Martinod.
Tout un champ d’exploration s’ouvre aussi pour tenter de comprendre les mécanismes de réparation à l’origine de la formation de néocartilage. « Même après 10 ans de cryopréservation, il reste sur les matrices des cellules capables de régénérer du cartilage, note le Pr Martinod. Si l’on parvient à potentialiser ces mécanismes de régénération, on peut espérer réduire les complications à type de granulome liées au stent ».
Une innovation distinguée par le prix Galien
Cette innovation chirurgicale a reçu en décembre dernier le prix Galien volet Travaux de recherche 2018. Créé en 1970, le prix Galien, dont le prestige est reconnu au-delà des frontières, distingue des innovations en santé et des travaux de recherche emblématiques. Il honore des innovations d’exception dans tous les domaines de la santé, médicaments, dispositif médical, e-santé, travaux de recherche ou encore accompagnement du patient.
exergue : Aucun traitement immunosuppresseur n’est nécessaire
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