En France, quelque 145 000 enfants vivent dans un foyer où une femme (dans 90 % des cas) a déclaré subir une forme de violence, physique et/ou sexuelle. Mais on estime à 4 millions le nombre d’enfants qui seraient exposés aux violences conjugales, quelle qu’en soit la forme, physique, psychologique ou verbale. « Il s’agit donc d’une problématique très importante aux conséquences majeures à long terme sur les compétences psychosociales, la santé physique et mentale », souligne la Dr Martine Balençon, co-autrice d’une note remise à la Secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, à l’occasion du Grenelle des violences conjugales.
Les enfants confrontés aux violences conjugales ont un risque élevé de troubles de l’intégration de la loi et de répétition des comportements violents dans les générations suivantes, ce qui est en partie liée à des modifications épigénétiques secondaires au stress chronique. « Les violences conjugales sont ainsi très fréquentes chez les parents de jeunes délinquants, note la Dr Balençon. Pour les praticiens, il est donc essentiel de repérer ces enfants et de les protéger. Certains signes doivent alerter, mais toute la difficulté est d’intégrer la violence comme étiologie des maux que l’on constate. »
Chez un nourrisson, il faut se poser la question en cas de troubles du développement, d’une pauvreté des interactions sociales. À l’âge scolaire, les signes qui doivent alerter sont très variés, allant d’un « enfant insupportable » qui tape les autres (signe d’anxiété), à celui qui à l’inverse est très appliqué mais replié sur lui-même ou encore en présence de troubles de l’attention. Chez l’adolescent, les actes auto- et hétéro-agressifs sont très évocateurs : scarifications, tentatives de suicide, conduites à risque, fugues. « Le pédiatre doit aborder systématiquement la question de la situation de violence dans le couple, en sachant que les différentes formes de violences – conjugales et intrafamiliales – sont souvent intriquées », poursuit la Dr Balençon, qui rappelle que des démarches doivent être entreprises dès que des violences sur mineur sont suspectées. « Tout l’enjeu est de ne pas le faire dans une dynamique de rupture, mais en incitant la mère à se rapprocher des services sociaux locaux, notamment des centres de protection maternelle et infantile ou des équipes référentes hospitalières spécialisées en protection de l’enfance. Il faut en pratique s’adapter au degré d’urgence de la situation, l’objectif étant de protéger l’enfant, si besoin en passant par une hospitalisation brève. »
Dans leur saisine, la Société française de pédiatrie médico-légale, le Groupe de pédiatrie générale, la Société française de santé de l’adolescent et la Société française de pédiatrie font des propositions visant à améliorer le dépistage précoce des situations exposant les enfants à ces violences et leur prise en charge. « Pour les pédiatres, confrontés en première ligne à ce type de situations, il est important d’avoir un lien privilégié avec les départements et les équipes hospitalières référentes des violences sur mineurs, afin de ne pas rester seul et pouvoir solliciter facilement un avis », souligne la Dr Martine Balençon.
Les pédiatres doivent pouvoir solliciter facilement un avis auprès des équipes référentes
Entretien avec la Dr Martine Balençon, pédiatre-médecin légiste, présidente de la Société française de pédiatrie médico-légale, CHU de Rennes
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