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Le Pr Bernard Boudailliez ne s’en cache pas : il est un « grand défenseur » de la médecine pour adolescent. « Ma conviction est que cela fait vraiment partie de la mission des pédiatres que d’être en compétence par rapport à cette médecine », indique-t-il. « Dans une équipe hospitalière, il est très important d’avoir quelqu’un qui ait la culture de cette médecine. Dans certaines situations, c’est même indispensable. Je pense en particulier aux troubles de la conduite alimentaire. S’il ne possède pas cette culture et n’a pas de pédiatre-ressource, le service risque d’être en difficulté face à ce type de troubles, notamment pour la prise ne charge en lien avec les pédopsychiatres », poursuit le Pr Boudailliez, en citant aussi les situations où l’adolescent va mettre son corps en danger : prise de risque, scarifications, tentatives de suicide… « Dans ce genre de situations, il, est important d’avoir un pédiatre qui soit compétent et puisse être une ressource pour ses collègues », ajoute-t-il, en insistant sur l’intérêt de prévoir, dans un secteur d’hospitalisation, un endroit dédié à cette médecine. « Un endroit avec des groupes de pairs, un hébergement adapté et un personnel rôdé pour communiquer avec les adolescents ».
Cette médecine est bien sûr toujours enseignée dans la formation initiale des pédiatres. « Il doit y avoir un socle commun que tous les pédiatres doivent maîtriser. Ensuite, pour ceux qui veulent s’investir tout particulièrement, il peut être intéressant de faire le diplôme interuniversitaire (DIU) de médecine et santé de l’adolescent qui rassemble environ un tiers de pédiatres, un tiers de pédopsychiatres et psychologues et un tiers d’institutionnels », indique le Pr Boudailliez.
Ces pédiatres, spécialistes des adolescents, sont aussi souvent les mieux placés pour assumer d’autres taches parfois délicates. Il en est ainsi de la transition vers la médecine pour adultes. « Dans les centres de moyenne importance tels que le nôtre, cette transition est souvent plus facile à gérer car tous les médecins se connaissent et sont géographiquement proches. En Ile-de-France, c’est souvent plus compliqué car les adolescents peuvent changer de quartiers, d’arrondissements en fonction de leur lieu d’études. D’autres difficultés peuvent survenir, parfois liées à l’équipe de pédiatrie qui peut avoir tendance à « s’accrocher ». Parfois, c’est l’adolescent qui reste très attaché aux pédiatres qui le suivent depuis longtemps. Il faut reconnaître que nos collègues d’adultes ne montrent pas non plus toujours un grand enthousiasme pour prendre en charge des adolescents qui, disent-ils, ont été parfois trop « maternés » dans les services de pédiatrie », observe le Pr Boudailliez qui, dans son unité, a accueilli un cardiologue adulte pour « faire le pont ». « C’est quelque chose qui commence à se développer. De plus en plus de services accueillent des médecins d’adultes pour les « pédiatriser » et faciliter ainsi cette transition vers la médecine adulte ». Les problèmes d’observance sont une autre situation qui peut nécessiter le recours à la compétence du pédiatre investi dans la médecine de l’adolescence pour soutenir une équipe en difficultés. Enfin, en corollaire l’éducation thérapeutique est un enjeu où toutes les compétences doivent se mobiliser
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Les pédiatres de ville aussi
Responsable du groupe adolescents de l’Association Française de Pédiatrie Ambulatoire (AFPA), le Dr Catherine Salinier confirme le fait que les pédiatres de ville ont, eux aussi, la capacité de prendre en charge les adolescents, dans la mesure de leurs moyens. « Les pédiatres libéraux se considèrent bien formés pour assurer cette prise en charge mais ils n’en ont toujours pas la disponibilité. En 2000, j’avais fait une enquête qui montrait que les adolescents représentaient en moyenne 6% des patients des pédiatres libéraux. En rapportant cela à l’ensemble des activités de tous les pédiatres libéraux, cela faisait environ 300 000 consultations par an. Mais il faut être conscient du fait que les pédiatres sont trop peu nombreux et ils sont déjà largement occupés par le suivi de la petite enfance», constate le Dr Salinier.
En général, les pédiatres de ville voient deux types d’adolescents. « Il y a d’abord ceux qui n’ont jamais quitté le lien privilégié noué avec le pédiatre au fil de l’enfance. Il arrive même que certains, entre 16 et 18 ans, au moment de l’attribution de leur propre carte vitale choisissent leur pédiatre comme médecin traitant. Sinon, des pédiatres se voient adresser des ados, qu’ils ne connaissent pas, par des généralistes ou par des parents pour un problème particulier. Les pédiatres, qui ont des sur-spécialités, reçoivent eux aussi régulièrement des adolescents ayant des pathologies spécifiques », détaille le Dr Salinier.
Cette dernière reconnait que la médecine de l’adolescent est toujours chronophage. « Mais cela n’est pas spécifique aux adolescents. Un pédiatre peut aussi passer beaucoup de temps pour un trouble du sommeil chez un enfant de moins de deux ans ou des troubles de l’apprentissage à l’âge de six ans. Il faut aussi tenir compte du fait que l’adolescent consulte rarement et peut présenter un état très fluctuant. En janvier, il peut aller parfaitement bien et, en mars, basculer dans une période de difficultés. Il faut donc avoir des modes de dépistage rapide et systématique de certaines difficultés ou situations de mal-être à utiliser à chaque rencontre, même ponctuelle, quitte à reconvoquer rapidement l’adolescent pour aborder plus à fond le problème», indique le Dr Salinier.
Garantir la confidentialité vis à vis des parents
C’est aussi au pédiatre d’aider les parents à trouver leur place dans cette relation médicale nouvelle. « Il est important que le pédiatre fasse comprendre aux parents que, lors de chaque consultation, il devra passer un moment, seul, avec l’adolescent. En général, quand cela est bien préparé, les parents acceptent volontiers cette évolution. Il arrive même, dans certains cas, que l’adolescent vienne seul pour toute la durée de la consultation », explique le Dr Salinier, en ajoutant qu’il est de la responsabilité du pédiatre de bien expliquer les conditions de confidentialité et de respect du secret professionnel. « Il faut lui dire que tout ce qu’il pourra dire au médecin restera confidentiel, à une seule exception : si l’adolescent est en danger, le pédiatre sera dans l’obligation d’informer ses parents qui ont la responsabilité de le protéger. Le pédiatre devra alors en parler aux parents avec son accord et en sa présence. Il convient de préciser que, toute façon, l’adolescent peut imposer le secret au médecin : par exemple en cas d’IVG. Mais le pédiatre devra faire en sorte que l’adolescente, alors, soit accompagnée par une personne adulte de confiance ».
D’après un entretien avec le Pr Bernard Boudailliez , responsable de l’unité de médecine pour adolescent du CHU d’Amiens et le Dr catherine Salinier, ancienne présidente de l’AFPA où elle est aujourd’hui responsable du groupe adolescents
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