« Avec quelque 400 nouveaux cas par an, la drépanocytose est la première maladie génétique dépistée », rappelle la Dr Corinne Pondarré, avant de préciser qu’un nombre probablement équivalent d’enfants souffrant de la maladie arrive en France chaque année. Depuis une vingtaine d’années, la greffe de moelle osseuse (ou de sang de cordon) s’est développée dans les formes les plus sévères de la maladie (Hb S/S et Hb S/β0).
95 % de guérison
« Il s’agit de greffes intrafamiliales géno-identiques, possibles quand un frère ou une sœur du patient est non malade et HLA compatible », indique la Dr Corinne Pondarré. Dans ce contexte, la greffe a très nettement progressé depuis le début des années 2000 et elle s’accompagne aujourd’hui d’un taux de guérison de 95 %. Les 5 % de non-guérison sont secondaires à un rejet de greffe ou à un décès lié à une complication de la greffe.
Parallèlement, la prise en charge de la drépanocytose s’est elle aussi grandement améliorée, grâce au dépistage néonatal, à la prévention des décès précoces liés aux infections et anémies aiguës et à la prévention des accidents vasculaires massifs. « Ces avancées permettent à 95 % des enfants d’atteindre l’âge de 16-18 ans, souligne le Dr Pondarré. Mais ces progrès à l’âge pédiatrique ne se retrouvent pas chez l’adulte, où la mortalité liée aux complications, cardiopulmonaires, rénales et hépatiques notamment, a augmenté ».
« La greffe doit être discutée précocement, au même titre que les traitements dits d’intensification (hydroxycarbamide et programme transfusionnel) », estime le Dr Pondarré. Son rapport bénéfice/risque doit être évalué comparativement à celui de la maladie elle-même et de son évolution avec les autres traitements ».
Peu de morbidité à long terme
La greffe permet dans la majorité des cas la guérison, sans mortalité à long terme, mais au prix d’une morbidité conséquente, toutefois régressive. « Elle est en effet réalisée après un conditionnement chimiothérapeutique myélo-ablatif, traitement lourd, comparable à celui utilisé dans les leucémies aiguës de l’enfant, qui expose lors des premiers mois à des complications infectieuses, digestives, hépatiques voire cardiopulmonaires ». Il s’accompagne également d’une toxicité neurologique plus marquée que chez les enfants greffés pour leucémie, avec un risque accru de convulsions et d’encéphalopathie postérieure réversible (PRES syndrome). Le risque de réaction du greffon contre l’hôte est faible lorsque la greffe est réalisée en situation géno-identique et moins important chez l’enfant que chez l’adulte. À noter que le traitement immunosuppresseur peut être arrêté à la fin de la première année post-greffe. « La seule morbidité à long terme de la greffe est son impact sur la fertilité, ce qui conduit à proposer une cryopréservation testiculaire ou ovarienne ».
De leur côté, les traitements atténuateurs de la maladie, qui posent un problème d’observance au long cours, ne sont pas dénués de risque. L’hydroxycarbamide, qui réduit les crises vaso-occlusives, les syndromes thoraciques aigus et les besoins transfusionnels, est un cytostatique. Il peut être très efficace chez certains patients et transformer leur vie, tandis qu’il n’entraîne aucune réponse chez d’autres. Même si l’on s’attend à ce qu’il ralentisse l’évolution de la maladie, on ne dispose pas de données sur son utilisation précoce, et à long terme chez l’enfant, et il a une toxicité potentielle sur la fertilité chez l’homme. Le risque de cancer à long terme n’a pas encore été évalué ; une étude de cohorte vient d’être mise en place par le laboratoire qui le commercialise.
Le programme transfusionnel expose à des problèmes de voie d’abord, de surcharge en fer qui nécessite le recours à des chélateurs ayant leurs propres effets secondaires, et d’allo-immunisation pouvant conduire à des impasses transfusionnelles, voire au décès du patient.
« Ainsi l’indication d’une greffe géno-identique consiste à prendre un risque sévère pour peu d’enfants (5 %), mais qui va permettre la guérison dans 95 % des cas », résume le Dr Pondarré.
Quand la proposer ? Idéalement avant la survenue de complications irréversibles, avant la récurrence de complications exposant à des atteintes sévères à moyen et long terme : atteintes rénales, respiratoires et accidents ischémiques de la substance blanche. Et avant que les conséquences psychologiques et psychosociales de la maladie sur l’enfant et sa famille ne soient installées.
« En pratique, chez ces enfants souffrant de formes sévères, dès lors qu’une intensification est indiquée et qu’un donneur compatible est disponible, il n’y a pas d’argument scientifique pour ne pas proposer la greffe », souligne le Dr Pondarré.
Les recherches se poursuivent, pour mettre au point un conditionnement à toxicité réduite, pour élargir le panel de donneur en recourant à la greffe haplo-identique et pour développer d’autres traitements, parmi lesquels la thérapie génique.
D’après un entretien avec le Dr Corinne Pondarré, Centre de référence de la drépanocytose, Centre hospitalier intercommunal, Créteil.
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