En France, seuls les immunomodulateurs injectables - l'interféron bêta et la copaxone - sont utilisés aujourd'hui dans le traitement de la sclérose en plaques (SEP) de l'enfant. Pour la première fois dans cette maladie rare, un essai clinique (PARADIGMS) montre, dans le « New England Journal of Medicine », qu'un traitement oral déjà validé chez l'adulte est aussi efficace, voire plus, chez l'enfant.
Sur un total de 215 enfants âgés de 10 à 18 ans de 26 pays - dont la France comme principal contributeur - le fingolimod (GILENYA), un immunosupresseur sélectif, a davantage diminué la fréquence des poussées que l'interféron bêta au cours d'un suivi de 2 ans, ainsi que la progression de la maladie à l'imagerie.
La SEP est rare chez l'enfant et il est difficile d'estimer la prévalence et l'incidence exactes. « On peut estimer la fréquence à 20 à 35 nouveaux cas par an en France, explique le Pr Kumaran Deiva, neuropédiatre de l'hôpital Kremlin-Bicêtre (AP-HP) et coordinateur du centre national de référence des maladies neuro-inflammatoires de l'enfant. Ce chiffre se fonde sur le recueil des 13 CHU avec service de neuropédiatrie ».
Des spécialistes et des parents très motivés
« On s'est vraiment battus pour cet essai, explique le neuropédiatre. Il a fallu un forcing énorme de l'International Pediatric Multiple Sclerosis Study Group dirigé par le Dr Tanuja Chitnis, par ailleurs premier auteur de l'étude. Rien n'aurait été possible non plus sans la forte participation des enfants, car les parents sont très motivés, quasi "militants " ».
Le design de l'étude n'était pas facile. « Cet essai randomisé est en double aveugle et double placebo, poursuit le neuropédiatre. Tous les parents ont accepté de participer, alors que leurs enfants avaient la double contrainte d'avoir une injection par semaine et de prendre un cachet tous les jours ».
Moins de rechutes
La définition de la SEP chez l'enfant va jusque l'âge de 18 ans, quand habituellement, les enfants de plus de 15 ans sont redirigés chez les adultes. Quant à la limite inférieure, elle fait débat. « Pour l'essai, la limite a été choisie à 10 ans, explique-t-il. On aurait préféré inclure des enfants plus jeunes et éviter de les mettre de côté. Dans la cohorte française Kidbiosep, l'enfant le plus jeune n'avait pas plus de 18 mois ».
Dans l'étude, le taux annualisé de rechutes était de 0,12 dans le groupe fingolimod et de 0,67 dans le groupe interféron. Pour le critère secondaire à l'imagerie, le taux annualisé de nouvelles lésions était respectivement de 4,39 et de 9,27.
Pour ce qui est de la tolérance, l'essai rapporte davantage d'effets indésirables graves dans le groupe fingolimod (n = 18) que dans le groupe interféron (n = 7). Avec notamment 4 patients ayant eu des convulsions par rapport à un seul dans le groupe interféron. Ce point mérite d'être surveillé sur le long terme, estiment les auteurs.
Une maladie plus inflammatoire chez l'enfant
Au travers de PARADIGMS, le fingolimod s'est révélé plus efficace chez l'enfant que chez l'adulte. « Précédemment, le fingolimod a diminué de 53 % la fréquence des poussées par an chez l'adulte par rapport à l'IFN chez l'adulte, poursuit le spécialiste. C'est ici de l'ordre de 82 % chez l'enfant. C'était attendu car la SEP est plus inflammatoire chez l'enfant ». La maladie est beaucoup plus récidivante chez l'enfant avec 3 fois plus de poussées la première année par rapport à l'adulte, un caractère inflammatoire mis en évidence à l'imagerie.
Pour Kumaran Deiva, cette première preuve est un argument pour ouvrir l'accès en pédiatrie au fingolimod mais aussi aux autres traitements oraux. « L'IFN est utilisé en pédiatrie sur la seule base d'études rétrospectives, développe Kumaran Deiva. Compte tenu de la fréquence de la maladie, ce n'est pas possible de tout tester, même si d'autres essais sont en cours. Je suis surpris qu'aux États-Unis, la FDA ait déjà accordé l'AMM au fingolimod il y a 3 mois et que ce ne soit pas le cas en Europe. C'est de la responsabilité de l'ANSM en France que les enfants puissent être traités ».
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