LE QUOTIDIEN : Dans quel état d’esprit êtes-vous après les assises de ce 24 mai ?
Pr CHRISTÈLE GRAS-LE GUEN : C’était un moment important et très attendu, cela faisait 18 mois que les assises étaient lancées et trois cabinets ministériels se sont succédé. On a cru un temps qu’on n’arriverait pas jusqu’à ce stade. Près de 80 mesures ont été annoncées par le gouvernement sur les 400 que nous avions proposées. Il nous a fallu un peu de temps pour digérer ce qui était des bonnes nouvelles et ce qui l’était moins.
Nous avons eu une écoute attentive du ministre délégué à la Santé, Frédéric Valletoux, et de ses équipes, pour un sujet qui n’était pas le leur, ils se le sont approprié. Et lors de la présentation au Conseil économique, social et environnemental (Cese), il y a eu le soin d’exposer les préconisations des professionnels avant les arbitrages ministériels. Il y a des avancées mais d’autres points nécessitent de se remettre au travail.
Quels sont les points de satisfaction ?
Le nombre de pédiatres formés va être augmenté de 50 %. Un registre des naissances et des décès va être mis en place, ce qu’on attendait pour piloter des mesures de santé publique. Et après l’hiver très rude 2022-2023, l’augmentation des places en réanimation néonatale est un grand soulagement. Autres mesures très fortes, la généralisation des Uaped (Unités d’accueil pédiatrique des enfants en danger, NDLR), la mise en place d’un dispositif de coordination du parcours de soins des enfants confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE) sur l’ensemble du territoire à partir de l’expérimentation « santé protégée » ainsi que le renforcement des PMI.
Nous avons eu des discussions compliquées avec les représentants des médecins généralistes au sujet de la formation à la santé de l’enfant. Nous préconisions de la renforcer, les généralistes voulaient diviser le temps par deux en le ramenant à trois mois. Le ministre a tranché pour un stage de six mois. La médecine de l’enfant n’est pas intuitive, cela s’apprend, il y a un temps nécessaire pour se former.
En prévention, la généralisation du Beyfortus, c’est très positif. C’est une avancée extraordinaire et la France est l’un des rares pays à le proposer. La saison dernière, 250 000 enfants y ont eu accès, l’adhésion des familles s’est révélée au-delà de nos espérances, les gens nous ont fait confiance alors qu’il s’agissait de nouveau-nés et de tout-petits bébés. C’est un grand succès, l’efficacité est incroyable. Le nirsévimab permet de prévenir la bronchiolite en médecine libérale, en hospitalisation et diminue la gravité des formes.
Quant aux 20 examens de l’enfant, ils existent déjà et sont remboursés à 100 % mais pas réalisés. Ce sont des occasions de prévention qui restent sous-utilisées. C’est important en particulier pour les jeunes parents. La consultation supplémentaire à l’âge de 6 ans pour repérer les troubles du neurodéveloppement (TND) permettra de ne pas rater, avant l’entrée en CP, un diagnostic qui nécessiterait une prise en charge intensive.
L’extension du dépistage néonatal, notamment à la drépanocytose au dernier trimestre 2024, puis en 2025 au déficit immunitaire combiné sévère (DICS) et à l’amyotrophie spinale proximale (SMA) pour laquelle il existe une thérapie génique, acte un changement de paradigme. En face, il y a des traitements, c’est un réel enjeu.
Malgré tout, la santé mentale n’est pas assez portée.
Les besoins des enfants et adolescents en santé mentale n’ont jamais été aussi importants, et les moyens n’ont jamais été aussi faibles
Qu’auriez-vous souhaité pour la santé mentale des enfants ?
Les deux pédopsychiatres rapporteurs ont exprimé leur désarroi aux assises. Les besoins des enfants et des adolescents n’ont jamais été aussi importants, et les moyens n’ont jamais été aussi faibles. On ne pourra jamais avoir l’espoir d’y répondre avec ce qui est proposé.
Deux de nos propositions majeures n’ont pas été retenues : revaloriser la consultation psychiatrique pour les mineurs, ce qui aurait permis à nos collègues de s’occuper d’eux, les consultations avec les enfants demandant beaucoup de temps ; et renforcer les centres médico-psychologiques avec des psychologues, assez faciles à recruter et qui sont une aide très précieuse alors que les files d’attente sont interminables.
Quel autre domaine vous semble insuffisant ?
On reste sur notre faim pour la recherche sur la santé de l’enfant. Ce thème est en concurrence avec des sujets tels que les maladies cardiovasculaires ou l’obésité, qui sont priorisés. Il y a un peu l’idée reçue que « finalement les enfants ne sont pas très malades ». Notre rapport avait insisté pour des appels à projets spécifiques en pédiatrie.
Mais ce n’est qu’une première étape, Frédéric Valletoux nous a assuré qu’un comité de suivi allait être mis en place. Nous aurons à cœur de défendre deux priorités pour les enfants, la santé mentale et la recherche.
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