Depuis 2007, les smartphones ont envahi notre quotidien. Les tablettes sont dans plus d'un foyer sur deux. Le téléchargement par la 4G depuis 2013 permet de tout obtenir (87% des français sont connectés à internet). Nous sommes dans un système hyper-connecté, nomade et multi-écrans, ce que les anglo-saxons surnomment ATAWAD (Any Time, Any Where, Any Device).
Aux Etats Unis en 2017, les dernières statistiques montrent que les enfants de moins de 8 ans passent en moyenne 3 heures 30 minutes par jour devant un écran (1h30 pour les moins de 2 ans).
Pour comprendre ce qui se joue entre l’enfant et l’écran, il est important de connaître comment ce dernier agit. Il existe deux effets majeurs de l’écran : l’un direct, par la captation de l’attention exogène et l’autre indirect, celle de temps volé à des compétences que l’enfant doit développer. Les deux effets sont liés.
En effet les écrans sont des stimulants très particuliers ; les dessins animés, même « adaptés » ou les programmes prétendus éducatifs, sont truffés d’effets formels saillants (variations sonores, changement ultrarapides des plans, flashs visuels) qui tout à la fois captent l’attention de l’enfant et la relancent en permanence (il suffit de regarder un épisode de la « Patpatrouille » pour s’en persuader). L’enfant est pris dans un déferlement de sons et d’images qui envahit toute son attention visuelle et émotionnelle. Gare au syndrome de sevrage quand on l’arrête! De plus cette surstimulation de cette attention exogène nuit au développement de l’attention volontaire, à la concentration sur des stimulus plus neutres, plus stables qui sont pourtant indispensables au développement d’autres compétences (comme la lecture). Les maitresses ont ainsi bien du mal à capter l’attention des petits qui ont déjà passé une heure devant leur dessin animé préféré avant d’arriver à l’école …
Un temps volé à celui des autres interactions
D’autre part, le caractère fortement addictif de l’écran engendre une impossibilité pour l’enfant de se détacher de cet objet. Il se trouve alors soustrait malgré lui à des interactions essentielles qui sont la clé de son développement. C’est le temps volé. D’autant que l’on sait aujourd’hui que le temps d’écran de l’enfant est directement lié au temps d’écran de leurs parents ! Un enfant correctement stimulé signifie que l’adulte qui prend soin du bébé au quotidien le regarde, lui parle, s’adresse à lui suffisamment. Aujourd’hui on doit rappeler aux jeunes mamans qu’il faut poser son portable pendant qu’elles allaitent leur nouveau-né.
Les écrans privent l’enfant ainsi du temps nécessaire au développement de certaines compétences : langage, rapport adapté aux objets, socialisation… Des retards peuvent alors s’observer dans ces domaines. De plus le sommeil est très altéré chez ces enfants; ils se couchent tard et le sommeil est perturbé.
L'écran empêche aussi la construction d’une sociabilité harmonieuse, essentielle à son développement. Parmi les « mordeurs » en herbe, nous retrouvons un grand nombre de petits téléphages. Ce sont souvent des enfants impulsifs, qui n’ont pas appris à rentrer en contact avec leurs pairs de façon adaptée et chez qui un léger retard de langage peut augmenter cette difficulté.
On constate donc de nombreux troubles en lien avec une surexposition aux écrans: retard de langage, retard des apprentissages; trouble des interactions, de l'attention et de la concentration, trouble du comportement avec intolérance à la frustration, trouble du sommeil, trouble alimentaire ... La littérature internationale sur ces sujets est particulièrement riche et sans appel : les écrans ont des répercussions indiscutables sur le développement des enfants.
Aborder la place des écrans en consultation
Il est donc aujourd’hui absolument indispensable d’aborder en consultation la place des écrans dans la famille. Très tôt dans les familles d’enfants qui vont bien pour faire de la prévention et bien entendu dans les familles où les enfants ne vont pas bien pour dépister les enfants surexposés aux écrans. Dans ce dernier cas l’interrogatoire doit être policier : quel type d’écran présent dans la famille (télévision, tablette, console, portable), dans quelle pièce ? Et chez la nourrice ? Et chez le papa ? Quel est la nature des contenus vus (youtube kid, chaine de clips etc…) ? On est parfois surpris de découvrir des familles où la télévision est encore allumée en permanence en arrière plan ou des enfants qui ne s’endorment le soir que couchés avec leur ipad…
Moins d'une heure par jour entre 2 et 4 ans
Quelles propositions faire en prévention ou devant un enfant surexposé ? Eteindre la télévision en arrière plan dés l'arrivée de Bébé; Demander aux adultes de se questionner sur leur propre temps d’écran; Passer du temps avec ses enfants à jouer, sortir, leur lire des livres; Trois moments dans la journée doivent être préservés; Pas d’écran le matin. C’est le moment où l’attention de l’enfant est la plus forte; Pas d’écrans durant les repas : cela nuit aux échanges familiaux; Pas d’écran le soir avant de se coucher : cela interfère avec la qualité du sommeil et retarde l’endormissement. Un lieu doit être épargné: la chambre de l’enfant ; cela augmente le temps d’exposition et empêche le parent de contrôler ce que l’enfant voit. Ne pas utiliser l’écran pour calmer l’enfant. Pour les plus petits moins de 2 ans, on conseille aucun écran. Moins d'une heure par jour entre 2 et 4 ans de préférence accompagné en insistant beaucoup sur les interactions. Après 4 ans, moins de 2 heures par jour est vivement conseillé de préférence accompagné avec contrôle du contenu.
Ces quelques recommandations prennent très peu de temps à donner aux parents qui sont en fait très demandeurs. Elles sont faciles à appliquer et ont des effets positifs rapides : allongement du temps de sommeil de l’enfant, baisse de l’agitation en classe et à la maison, effets positifs sur l’attention, la communication dans la famille et à l’extérieur, etc. L’encadrement du temps-écran a souvent un effet domino. En proscrivant les écrans à certains moments clés de la journée, on rend possible pour l’enfant ce qui ne l’était plus.
En informant le plus tôt possible les familles, on permet à l’enfant d’évoluer dans un milieu propice à son apprentissage. Nous engageons vivement tous les professionnels de l’enfance à s’intéresser à la place des écrans dans la vie de l’enfant. Nous avons constitué un collectif de professionnels de terrain de l’éducation et de la santé de l’enfant pour alerter sur les conséquences de la surexposition des enfants aux écrans ; vous retrouverez notre charte et nos actions sur le site Site CoSE: collectif "surexpositionecrans.org".
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