Article réservé aux abonnés
Dossier

Pneumologie

Les centres mucoviscidose, un cas d'école

Par Damien Coulomb - Publié le 06/05/2022
Les centres mucoviscidose, un cas d'école

Archibald en séance de drainage bronchique autogène avec sa kinésithérapeute
Phanie

Les centres de ressources et de compétences ont été initialement expérimentés dans la mucoviscidose (CRCM). Un modèle solide qui a fait école : le succès de cette organisation en réseau lui a valu d’être transposé dans les maladies rares. La mission est triple : diagnostic, soins et recherche. Reportage au CRCM de l’hôpital Robert-Debré à Paris.


Les mains posées sur son thorax et son ventre, Archibald respire lentement. Il retient son souffle puis expire par à-coups, assis sur les genoux de sa kinésithérapeute, Antonia Vital Foucher, tandis que cette dernière surveille le bon déroulement de l’exercice, dans un miroir fixé en face d’elle. Ce jeune garçon de 14 ans a reçu le diagnostic de sa mucoviscidose quand il avait 4 ans, soit un âge relativement avancé pour une pathologie qui fait l’objet d’un dépistage néonatal.

Amateur de skate originaire des outre-mers, il a connu un début de vie difficile. « Il souffrait d’infections pulmonaires et ne mangeait pas. Ce n’est qu’à la suite d’une hospitalisation pour carence sévère que le diagnostic a été posé », nous explique son père, rencontré au centre de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM) à l’hôpital Robert-Debré (AP-HP), où se tient cette séance de kiné répétée tous les un à trois mois.

Ce centre couvre le quart nord-est de Paris et sa banlieue et ne reçoit que des mineurs. « Les profils génétiques des malades sont très variés, explique la Pr Véronique Houdouin, responsable du CRCM. La totalité des patients de cette zone font partie de notre file active, soit 160 patients. Il s’agit d’une population aux origines diverses qui ne parle pas toujours le français et qui n’ont pas beaucoup de moyens. » Les CRCM ont préfiguré les centres de référence maladies rares et jouent un rôle dans la prise en charge, mais aussi dans la recherche et dans le dépistage.

Kiné respiratoire, diététique, sport adapté

À chaque visite, les patients bénéficient a minima d’une spirométrie faite par un médecin et d’une séance de kiné respiratoire. À cela peuvent s’ajouter une consultation diététique, de médecine générale ou encore une séance auprès d’un éducateur en activité physique adaptée (APA) au gymnase ou dans les chambres. Le CRCM Robert-Debré a été pionnier dans l’éducation au sport de ses jeunes patients grâce à l’embauche d’éducateurs en APA par l’association Vaincre la Mucoviscidose, désormais financée par ­l’­­AP-HP. Pour beaucoup d’entre eux, l’arrivée des nouveaux traitements a changé la donne (voire page 12).

Archibald, autrefois sous Kalydeco (ivacaftor, 150 mg), bénéficie également depuis un mois de la nouvelle association Kaftrio (ivacaftor 75 mg, tézacaftor 50 mg et élexacaftor 100 mg). Le résultat ne s’est pas fait attendre : son volume expiratoire maximal par seconde (VEMS) a bondi de 59 à 64 % et son poids a augmenté de 4 kg. « C’est intéressant car il fait partie des rares patients à avoir bénéficié du premier modulateur de la CFTR depuis 10 ans, réagit Paola de Carli, directrice scientifique de l’association Vaincre la Mucoviscidose. C’est remarquable de voir ainsi la différence que représente l’ajout des deux autres molécules. »
évolution des pratiques

La séance se poursuit. Pour favoriser l’élimination du mucus, les kinésithérapeutes ont changé d’approche en quelques années. « Pendant longtemps, la technique de référence consistait à faire une pression sur les mucosités, mais cette méthode est assez agressive, surtout chez les plus jeunes, ­explique le Dr Pierre Foucaud, ancien chef du service de pédiatrie-néonatologie du centre hospitalier de Versailles et actuel président de l’association Vaincre la Mucoviscidose. Depuis sept à huit ans, nous avons gagné en efficacité grâce au drainage bronchique autogène (l’exercice est décrit au début de cet article, NDLR). Notre difficulté actuelle consiste à trouver des kinésithérapeutes en ville qui maîtrisent cette technique. »

Alors qu’elle achève la séance, Antonia Vital Foucher ajoute que « la stratégie actuelle est basée sur trois mouvements : souffler, accélérer le flux respiratoire et retenir son souffle pour décoller le mucus puis relâcher ». Ici, il faut lutter tous les jours contre la monotonie des séances pour que les plus jeunes y adhèrent. « Nous combinons ces techniques en fonction des besoins du patient », poursuit la kinésithérapeute. L’évaluation de ces techniques reste un défi : « Entre les anti-inflammatoires, les antibiotiques, la nutrition… Il y a énormément d’autres facteurs qui interviennent », reconnaît le Dr Foucaud.

Des séances d’orthopédie sont parfois également au programme. « Les problèmes respiratoires induisent des défauts posturaux au niveau du thorax, et l’on observe des rétractions au niveau des membres inférieurs », détaille Antonia Vital Foucher. Quelques lits d’hospitalisation pour les cas d’infections sévères sont aussi présents. « Nous devons être particulièrement vigilants au risque infectieux, insiste la Pr Houdouin. Il y a de l’ordre de 25 % d’infections nosocomiales dans nos services. »

Au fil du temps, le CRCM a établi de bonnes relations avec tout un réseau de praticiens exerçant en cabinet de ville. La résilience de ce tuilage entre centre de référence hospitalier, kinésithérapeutes et infirmiers de ville, mais aussi séances de kiné respiratoire faites par le patient lui-même, a d’ailleurs fait ses preuves lors de l’épidémie de Covid-19 (voir page 14).

D. C.