Une prévalence entre 8 et 10 %

L'adolescence, une zone de turbulences pour l'asthme

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Publié le 02/05/2017
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« La transition dans la prise en charge de l'asthme n'est pas toujours harmonieuse à l'adolescence, souligne le Pr Antoine Magnan, pneumologue et directeur de recherches à l'Institut du thorax et pneumologue au CHU de Nantes. Or l'asthme est la maladie chronique la plus fréquente chez l'enfant et l'adolescent et le problème général de l'observance est exacerbé à cet âge ».

Contrairement à une idée reçue, l'asthme ne disparaît pas ou rarement à l'adolescence, avec une prévalence restant entre 8 et 10 % comme chez l'enfant. « L'asthme est une maladie d'expression fluctuante dans le temps avec des périodes de rémission et de rechute, rappelle le pneumologue. Il y a plus de garçons dans l'enfance et le sex-ratio s'inverse ensuite avec davantage de filles à l'âge adulte. À l'adolescence, l'asthme, qui peut à la fois apparaître de novo ou se réveiller à la puberté, peut souffrir d'un retard au diagnostic car les symptômes peuvent passer inaperçus ».

L'asthme est souvent révélé chez les grands enfants par un problème de respiration lors du sport, en particulier d'essoufflement à l'effort lors d'une pratique plus intensive ou de moins bonnes performances que les copains, explique le Pr Magnan. « Ces symptômes sont mis à tort sur le compte de l'anxiété ou d'un manque de motivation, déplore-t-il. Il ne faut pas minimiser les symptômes et aller jusqu'au bout du diagnostic ».

Des perdus de vue

C'est l'âge où le suivi habituellement assuré en pédiatrie peut s'effilocher lors de la transition vers la pneumologie adulte. « D'ailleurs les enfants ayant un asthme sévère restent souvent suivis en consultations pédiatriques au-delà de l'âge habituel (15 ans et 3 mois), explique Antoine Magnan. Car il faut bien reconnaître que le passage à l'environnement pneumologique adulte n'est pas très drôle ».

Alors que 80 % des asthmatiques sont vus en médecine générale, le médecin traitant a un rôle à jouer pour s'assurer du suivi nécessaire. « Plus que jamais, il faut mettre en place des stratégies pour que l'adolescent s'investisse dans le traitement sans pression médicale superflue, explique le Pr Magnan. Il faut aussi faire preuve de souplesse, un suivi pneumo tous les deux ans peut être tout à fait suffisant si l'asthme est stabilisé ». À ce titre, la simplification du traitement est une aide précieuse avec les dispositifs inhalés combinant un bêta mimétique de longue durée d'action et un corticoïde, qui peuvent être à la fois utilisés en traitement de fond et en traitement à la demande.

Pour l'asthme d'effort, un bêta mimétique à courte durée d'action reste nécessaire, « à prendre de façon préventive avant l'activité sportive et à la demande ensuite ». L'activité sportive est à encourager sans consigne particulière sur un sport à privilégier. « Les adolescents doivent pouvoir faire ce qu'ils ont envie de faire, insiste le Pr Magnan. Et surtout ne pas se réfugier dans la sédentarité ».

Éviter les messages moralisateurs

Comme chez l'enfant, une allergie est retrouvée dans 80 % des cas. « Si l'asthme est diagnostiqué à l'adolescence, le bilan allergologique est tout aussi indispensable, comme à n'importe quel âge, même en l'absence de signes évocateurs à l'interrogatoire », rappelle le pneumologue. Un traitement de la rhinite allergique, qui est un facteur déclenchant des crises d'asthme, est incontournable et… plutôt bien accepté compte tenu de l'impact sur la vie sociale et… amoureuse.

L'adolescence est aussi une période à risques avec la tentation de la cigarette et du cannabis, et/ou l'exposition au tabagisme passif lors des soirées. « Mieux vaut éviter de délivrer des messages moralisateurs et culpabilisants, conseille le Pr Magnan. Le rôle du médecin est d'informer, d'avertir et de conseiller de façon bienveillante ».

Le tabac n'est le seul écueil à l'adolescence, d'autres nouveaux facteurs de risque sont à surveiller comme le poids, en particulier chez les jeunes filles. « L'asthme de l'obèse est un peu différent, décrit le spécialiste. L'inflammation est moins impliquée et la prise en charge est plus difficile. Ce peut être une motivation supplémentaire à maigrir, car la perte de poids améliore doublement la respiration, par un effet direct sur l'asthme et un autre lié à l'amaigrissement ».

Un plaidoyer pour la reconnaissance de l'asthme sévère

Chez les jeunes filles peut apparaître un asthme périmenstruel. « L'asthme peut se déstabiliser lors des règles, souvent quelques jours avant, détaille le Pr Magnan. C'est important de repérer ces épisodes, car il est possible de les éviter en intensifiant le traitement juste à ce moment-là sans surtraiter en dehors de cette période difficile ».

Des applis mobiles dédiées comme « Mon Asthme », « AsthmaCrise », ou « Asthm'Active » lancé par la CNAM en mars dernier peuvent être des outils intéressants, estime le pneumologue. « Cela ne convient pas forcément à tout le monde, poursuit le Pr Magnan. Certains ne vont pas l'utiliser, d'autres au contraire de façon obsessionnelle. Dommage que les adolescents qui s'en servent le mieux sont souvent ceux qui en ont le moins besoin ». Les Écoles de l'asthme peuvent fournir une aide utile, « encore faut-il que les adolescents y mettent les pieds », glisse le pneumologue dans un sourire.

La prise en charge de l'asthme à l'adolescence « s'inscrit vraiment dans une démarche de médecine personnalisée, conclut le Pr Magnan. Il faut arriver à traiter sans surtraiter, et en parallèle, il faudrait pourvoir disposer de traitements innovants, notamment les anticorps IL5 (Nucala), pour la petite proportion d'adolescents ayant un asthme sévère, moins de 5 % des sujets asthmatiques. C'est la raison du plaidoyer de la Société française de pneumologie pour la reconnaissance de l'asthme sévère en France. Pour que ceux qui en ont vraiment besoin puissent y avoir accès dans le cadre d'essais cliniques ».

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9577