Contributions

Hémodialyse pédiatrique : lettre ouverte aux industriels et aux pouvoirs publics

Publié le 13/03/2014
Article réservé aux abonnés

Actuellement environ une centaine d’enfants est prise en charge en France pour une insuffisance rénale terminale et 60 % d’entre eux sont hémodialysés. Entre 50 et 100 enfants de moins de 4 ans sont en hémodialyse en Europe chaque année. La prise en charge optimale repose sur une greffe rénale, mais une période d’épuration extrarénale peut être nécessaire. L’hémodialyse pour les enfants avant 8 ans est réalisée dans des centres d’hémodialyse pédiatrique, avec du personnel spécifique formé à la prise en charge de l’enfant dans sa globalité. Le matériel d’hémodialyse doit également être adapté à l’enfant, à son âge et à sa corpulence, tant en terme de cathéters, que de lignes, d’hémodialyseurs, de générateurs de dialyse… En effet, la taille des vaisseaux impose des cathéters de diamètre et de longueurs adaptés et le volume extra-corporel doit être d’autant plus faible que l’enfant est petit, afin de permettre une bonne tolérance de la séance.

Il n’y a pas de difficultés actuellement pour avoir accès à un choix assez large pour les cathéters d’hémodialyse temporaires et pour les hémodialyseurs.

En revanche le choix est beaucoup plus limité pour les lignes à sang des nouveaux générateurs d’hémodialyse et pour les cathéters longue durée : les efforts de miniaturisation qui ont été faits pour les moniteurs d’hémofiltration et pour les cathéters temporaires ne sont pas enregistrés pour l’hémodialyse chronique.

Pour les lignes à sang des générateurs d’hémodialyse, la contrainte est de ne pas excéder un volume extra-corporel total de 8 à 10 ml/kg. Depuis les années 1980, deux laboratoires ont travaillé à la miniaturisation des lignes à sang, permettant d’obtenir un circuit extra-corporel minimum de 50 ml, offrant la possibilité d’hémodialyser des nourrissons de 5 kg.

Il existe actuellement quelques lignes pédiatriques et néonatales, mais produites par peu d’industriels et conçues pour des générateurs d’ancienne génération qui devront bientôt être remplacés par des nouveaux pour lesquels ces lignes de petit volume n’existent pas encore.

Nous risquons donc d’être confrontés à court terme à des difficultés matérielles pour hémodialyser de jeunes enfants. Les générateurs actuels ne pourront pas être maintenus au-delà de leur limite d’utilisation et les lignes pédiatriques correspondant à ces générateurs risquent de ne plus être produites.

Nous sollicitons et interpellons les industriels pharmaceutiques à poursuivre leurs efforts d’innovation et de fabrication pour la conception de matériel d’hémodialyse adapté aux patients pédiatriques, au fur et à mesure de l’évolution des générateurs de dialyse. De même les logiciels intégrés dans ces nouveaux générateurs doivent pouvoir être adaptés aux contraintes de l’hémodialyse pédiatrique (débits sanguins et taux d’ultrafiltration faibles…).

Actuellement trois laboratoires sont principalement présents en hémodialyse pédiatrique. Mais deux d’entre eux ont fait évoluer ou vont très prochainement faire évoluer leur générateur de dialyse, sans que soit prévu dans le même temps du matériel pédiatrique. Il nous semble inquiétant et périlleux d’avoir une offre de soins limitée à un unique fournisseur car la dépendance envers ce fournisseur est alors totale, sans recours possible en cas de rupture de production.

En ce qui concerne les cathéters longue durée en silicone, les plus petits cathéters double lumière adaptés à l’hémodialyse ont un diamètre de 8F, avec des imperfections qu’il n’a jamais été possible de corriger malgré plusieurs demandes. Il serait nécessaire d’avoir des cathéters de 9 et 10F de longueurs différentes. Il est important d’avoir l’écoute des techniciens pour modifier le marché et répondre aux demandes spécifiques des pédiatres.

Certes nous avons conscience que le marché n’est pas intéressant sur un plan financier devant le très faible nombre d’enfants pris en charge, et le faible nombre de séances effectuées annuellement. De plus, les besoins sont différents entre un enfant de 5 kg et un enfant de 30 kg rendant nécessaire une gamme de lignes néonatales/pédiatriques, avec des volumes croissants. C’est cependant une nécessité sur le plan de la prise en charge de ces enfants.

Nous appelons donc les industriels pharmaceutiques, ainsi que les pouvoirs publics, à nous soutenir dans cette activité, afin de pouvoir maintenir une offre et une qualité de soins pour les enfants en insuffisance rénale terminale, en France comme dans tous les autres pays européens. L’hémodialyse pédiatrique s’est développée dans les années 1980 grâce à l’innovation pharmaceutique permettant la miniaturisation des circuits. Nous espérons que l’alliance entre les cliniciens et les industriels pourra se poursuivre pour progresser dans la prise en charge des enfants insuffisants rénaux.

Par la Société de Néphrologie Pédiatrique

Source : Le Quotidien du Médecin: 9309